Le 15 mai 1768, plus Italienne que Française par l'esprit
et les sentiments, la Corse fait l'objet d'un marché de dupes
entre le gouvernement de Gênes et le Roi de France : Par le
traité de Versailles, Louis XV achetait l'île de Corse à Crédit. La France victorieuse allait désormais
entreprendre et intensifier au fil du temps une politique de
colonisation de la Corse qui allait contribuer irréversiblement au
déclin de la langue, des us et des coutumes de ses habitants.
Rappelons cependant que du point de vue du
droit international, la Corse était toujours une possession génoise
car le décret d'annexion de la Corse à la France ne fut voté que le
30 novembre 1789 sans que le peuple eût pu disposer de
lui-même. Ainsi, à la manière de Napoléon et au mépris de tout
engagement bilatéral et des traités internationaux, la France venait
de procéder, à l'annexion d'un territoire conquis.
Il est cependant important de souligner
que la Corse est encore aujourd'hui le
seul territoire sous souveraineté française, dont la possession par
la France n'a pas été ratifiée.
"... les Corses, un instant victorieux,
parvinrent à repousser en désordre les volontaires français. Mais,
entraînés par leur ardeur, ils passèrent la rivière et s'acharnèrent
à se maintenir dans une position difficile, que l'arrivée des
grenadiers et des chasseurs du régiment de Champagne, conduits par
M. d'Escoulombre en personne, rendit vite intenable. Ils y furent
presque tous massacrés. Il était quatre heures et demie du soir. La
bataille était perdue. Les pertes étaient sensibles. Rien qu'à
Ponte-Nuovo, les Corses avaient eu deux cents hommes tués ou noyés,
les Français, soixante hommes tués ou blessés, et, parmi les tués,
quatre officiers : MM. De Ghamisso, De Bexon, De Ségur et Du Bayet
fils.
Pour Paoli, il était en fuite. C'était avec
peine qu'il avait pu réunir trois à quatre cents hommes au couvent
de Rostino et à Morusaglia. De leur côté, les Français, instruits
par l'expérience, évacuaient leurs blessés et assuraient leurs
positions contre tout retour offensif. Le 10, ils occupaient Vignale,
Lucciana, Pietralba. Le 15, ils avaient passé le Golo et pris le
couvent de Rostino.
Le 20, ils étaient au couvent d'Omessa et, le
21, ils se mettaient en marche sur Corte. A mi-chemin, ils
rencontrèrent les principaux habitants de cette ville, venant faire
leur soumission et traiter de la reddition de la citadelle,
reddition qui eut lieu effectivement, le 22.
Dès
le 20, Paoli, suivi de quelques fidèles, s'était retiré à Vivario
qu'il quittait le lendemain du jour où les Français partaient de
Corte. Le 6 juin, il était à Bastilica, le 8, à Quensa.
Ce fut dans
ce village qu'il apprit, et la prise de sa principale place d'armes,
l'Ile Rousse, et l'arrivée à
Porto-Vecchio, le 7 juin, de l'un des navires de l'amiral
Smittoy, requis par son agent Guelfudi, le prêtre servile. Dans la
nuit du 12 au 13 juin, il s'embarquait en compagnie de son frère
Clémente, de son secrétaire l'abbé Antonio Francesco Andrei et de
quelques partisans dévoués. Deux mois plus tard, il était installé
dans un hôtel de Londres, vivant
tranquillement et grassement de la pension qu'on lui avait si
généreusement accordée.
A dire vrai, les vainqueurs lui avaient laissé toute facilité pour
s'éloigner. Du 21 mai, jour de leur entrée à Corte, au 13 juin, date
du départ de Paoli, ils auraient pu s'emparer de sa personne. Ils
préférèrent fermer les yeux sur l'évasion d'un homme dont " la
capture, disait M. de Vaux, eût été plus embarrassante qu'utile..."
Extraits de Bonaparte et son temps par Th. JUNG (1880) |