En 1506, le pape Jules II autorise les Frères Mineurs de
l'Observance à fonder un couvent dans la piève de Campoloro.
Un premier établissement, aux volumes modestes, est érigé
entre 1506 et 1509. En mauvais état au milieu du 16e siècle,
il est restauré en 1584, sur la recommandation de
Monseigneur Alexandre Sauli, évêque du diocèse d'Aleria. En
1589, il accueille sept religieux.
Il est agrandi vers 1671. Il compte quinze religieux au
début du 18e siècle.
En 1791, les bâtiments conventuels, devenus bien national
conformément au décret révolutionnaire de suppression des
couvents, sont affectés au génie militaire, l'église étant
conservée au culte.
De 1862 à 1884, ils sont affectés au pénitencier de
Casabianda pour servir d'infirmerie et d'hébergement estival
des prisonniers. Ces diverses affectations entraîneront des
remaniements de l'édifice qui sera vendu par l'Etat à la
société Saint Vincent de Paul de Bastia en 1954. Il sera
acquis par la commune en 1992. Son inscription sur la liste
des monuments historiques date du 24 janvier 1995.
Situé sur la commune d'Aleria, le centre pénitentiaire de
Casabianda a été construit sur un terrain de 1480 hectares
appartenant à un un capitaine des armées napoléoniennes, le
capitaine Franceschetti.
Dès 1842, ce domaine en friche, est mis en valeur par des
travaux d’assainissement et de défrichage ; mais le fort taux de mortalité, dû essentiellement au
paludisme décima la quasi-totalité de la main d’œuvre et mis fin
à la mise en valeur du domaine. Devant cet échec, le domaine fut
mis en vente aux enchères par le Crédit Foncier et la vente et
l’état en devint acquéreur par la vente du 30 septembre 1861 pour le compte de l’administration des prisons,
rattachée, à l’époque, au ministère de l’intérieur.
En 1862, le domaine de Casabianda reçoit pour la première fois
son affectation pénitentiaire avec pour mission de continuer son
assainissement. Une population de 1000 à 1200 personnes (bagnards
condamnés à perpétuité à des travaux forcés et membres du personnel)
occupe alors le domaine.
Les détenus, étaient chargés d'assécher les marais dans
lesquels proliféraient les anophèles porteurs de la fièvre
de la malaria.
En 1885, l’établissement est fermé pour des raisons sanitaires
et la gestion du domaine est successivement confiée au ministère
de l’agriculture puis aux ponts et chaussées.
A la mobilisation d’août 1914,
lorsqu’il est décidé que l’île accueillera des prisonniers de
guerre allemands, il est donc indispensable de trouver des lieux
de détention qui n’aient pas à être construits.
Le 26 septembre 1914, le préfet demande aux sous-préfets de
lui indiquer les bâtiments dépendants de leur
circonscription susceptibles d’abriter le plus rapidement
possible des internés germaniques. Ce sont donc des
bâtiments désaffectés qui sont choisis :
les anciens pénitenciers de Castellucio et Coti-Chiavari en
Corse du Sud, celui de Casabianda en haute Corse mais aussi
quelques couvents n’abritant plus de communautés monastiques,
comme ceux de Cervione, Corbara, Luri, Oletta ou Morsiglia.
Le 15 octobre 1914, sur le port de Marseille, un groupe de
prisonniers composé d'Allemands, d'Austro-Hongrois,
embarquent à bord du Pelion à destination de la Corse pour
une traversée qui va durer 33 heures et qui va s'effectuer
dans des conditions épouvantables entre mauvaise mer, manque
d'hygiène et puanteur.
Le 17 octobre, entassés dans des wagons à bestiaux, 107 "prisonniers"
civils arrivent à Aleria après 4 heures de train. Les
considérant comme des espions, la population hostile les
accueille avec des cris d'injure.
Après 4 km de marche le convoi arrive enfin à Casabianda où
se trouvent déjà détenus 78 soldats allemands. Le bâtiment
dans lequel les nouveaux venus sont logés se compose de
trois étages : Le premier étage abrite les animaux du
domaine au nombre d'une centaine (bêtes à cornes, cochons,
poules), le deuxième étage est réservé aux surveillants, le
troisième étage est occupé par les prisonniers.
Dans un dortoir, il n'y qu'un seul pot de chambre pour les
107 prisonniers exposés de fait à une contamination par
bacilles, dû essentiellement aux nombreux cas de maladies
vénériennes.
Les détenus dorment dans des litières bourrées de paille
dans lesquelles les poux prolifèrent et s'éparpillent.
La présence de l'anophèles les internés au risque du
paludisme. Pour éviter les risques de contagion, les
surveillants français leur distribuent de la quinine.
Mais la dysenterie représente un plus grand danger et bon
nombre de détenus succombent à cause du manque de nourriture
et de soins insuffisants.
A Casabianda, les soldats allemands doivent travailler et
reçoivent un sou par jour tandis que les prisonniers civils,
qui eux,ne sont pas des prisonniers de guerre, ne sont pas
tenus de travailler.
Pour tout ustensile de cuisine, les internés ne disposent
que d'une assiette en fer blanc dans laquelle sont versés
mélangés, une soupe liquide, un bout de viande et quelques
morceaux de pommes de terre.
Parmi les internés de Casabianda, il y a 8 religieux
auxquels on propose le choix de rester là ou de déménager à
Corbara. C'est finalement Cervioni qui sera leur nouveau
lieu de résidence qu'ils rejoindront le 8 janvier 1915. Leur
voyage s'effectue sous bonne escorte, d'abord à pieds
jusqu'à la gare d'Aléria, puis en train jusqu'à Prunete, la
gare de Cervioni et enfin en voiture de la gare de Prunete
au couvent Saint François de Cervioni.
Le couvent de Cervioni est un ancien couvent de franciscains
construit en 1509. Fermé pendant de nombreuses années, il
servait de logement aux bagnards de Casabianda pendant les
mois d'été à cause des risques de fièvre. Réquisitionné
pendant la grande guerre, il va servir de logement à
quelques 500
prisonniers de guerre.
Le couvent Saint François est situé à 1,5 km de Cervioni. Il est géré par les autorités civiles.
Le règlement est plus stricte qu'à Casabianda qui était géré
par les autorités militaires : Lever avant 8 heures, appel des
prisonniers deux fois par jour, à 8 heures le matin et à 4
heures l'après-midi, interdiction de se rendre visite,
interdiction de chanter, de siffler, de s'approcher des
fenêtres, interdiction de recevoir des visites. A 20 heures,
extinction des lumières ; comme l'exige le règlement, tous
les détenus doivent être allongés sur leur paillasse.
L'hygiène est déplorable et dans cette promiscuité, il n'y a
qu'une seule bassine qui fait office de pot de chambre pour
tout le groupe.
A la demande du pape les huit religieux, qui sont tous logés
dans une même chambre, bénéficient d'un régime de faveur.
Ils sont dispensés du nettoyage des chambres ; ils ont le
droit d'avoir un domestique, dispensé lui aussi ; ils sont
autorisés à célébrer la messe chaque jour ; ils peuvent
acheter de la nourriture à la cantine où les prix étaient
exorbitants.
Le 18 juin 1948, le domaine de Casabianda retrouva sa première
vocation d’établissement pénitentiaire. Doté d’installations
vétustes, dépourvu d’eau courante et d’électricité, le domaine
avait la quasi-totalité de ses terres recouvertes de maquis,
d’étangs et de marais. Sur une superficie de 1 800 hectares,
seuls 50 hectares étaient mis en culture. Avant de se lancer
dans sa vocation agricole, il faudra une quinzaine d’années aux
détenus pour réaliser un nouveau pénitencier.