Il est inutile désormais d'éclairer la Nation sur les motifs qui
déterminent les actions des bandits ; les vols multipliés, les
assassinats fréquents, & la destruction des biens, des maisons & des
bestiaux, prouvent assez que la vie & la fortune des citoyens ne
sont point en sûreté avec des brigands dont le seul but est le
meurtre & le pillage, & qui reçoivent chaque jour de leurs prétendus
chefs en terre ferme, des instructions pour entasser crimes sur
crimes, afin d'en partager le produit ou de satisfaire leur haine
particulière.
Pour parvenir à éteindre tout à fait une race aussi exécrable, le
premier moyen étant de leur ôter la facilité des retraites que leur
offrent les makis, nous avons prix la résolution de les faire
entièrement brûler dans toute l'étendue de l'île ; & pour éviter les
inconvénients qui pourraient naître d'une pareille opération, si
elle était faite sans précaution, il nous a paru nécessaire d'en
prévenir tout le monde à l'avance pur donner le temps d'y prévoir &
d'y remédier.
En conséquence, nous ordonnons que dans tous le mois d'août pour la
plaine, & dans tout celui de septembre pour la montagne, chaque
piève fasse brûler tous les makis qui se trouveront dans son
district, avec les précautions les plus convenables : à peine contre
les contrevenantes, de deux mille livres d'amende payables sur le
champ, & d'y être contraintes par la force ; de laquelle amende, la
piève sera autorisée à faire payer deux cents livres à chaque
propriétaire de terrain qui ne se sera pas exécuté dans le temps ; &
au cas que quelques-uns des propriétaires ne soient pas en état de
payer ladite somme de deux cent livres, nous nous réservons de les
faire punir d'une autre manière.
Rendons les Podestats & Pères du commun responsables de l'exécution
de la présente Ordonnance ; & pour l'assurer encore davantage,
voulons qu'il soit donné une somme de cent livres à tout homme qui
dénoncera des makis qui n'auront pas été brûlés & que le secret lui
soit gardé, afin de ne point lui attirer d'inimitié particulière.
Ordonnons que la présente Ordonnance soit envoyée à tous les
Podestats & Pères du commun des différentes pièves de l'île de
Corse, & qu'elle soit, par leurs soins, publiée & affichée sur la
porte de l'église de chaque village, afin que personne ne puisse en
prétendre cause d'ignorance.
A Saint-Antonio le 1er août mil sept cent soixante-dix.
Le Comte
de Marbeuf.
|