Louis Charles René, comte de
Marbeuf, Grand croix de Saint-Louis, Général, Colonel
des Dragons de Condé, est né le 04 novembre 1712 à Rennes.
Il participe à la pacification de la Corse, assure l'interim à la
tête de l'armée entre Chauvelin et le comte de Vaux (de décembre
1768 à avril 1769), commande un corps sous le comte de Vaux jusqu'à
la bataille de Ponte-Novu. En avril 1770, le Roi Louis XV le nomme
commandant en chef dans l'île (il le restera jusqu'à sa mort) et le
fait marquis de Cargèse qu'il fait édifier en 1774.
Il est
mort à Bastia le 20 septembre 1786 et a été enterré dans
l'église St Jean-Baptiste.
Marbeuf arrive en Corse en 1764 à la tête
d'une armée de 4000 hommes pour réprimer la révolution Paoliste et y
poursuivre une politique de colonisation de l'île. Il jouera un rôle
important au sein de la famille Buonaparte dont il se fera le
protecteur. Ses relations très intimes avec la belle Letizia, ses multiples interventions et "coups de pouce"
permettront à la famille Buonaparte d'être anoblie, au jeune
Napoléon d'être admis à l'école militaire de Brienne et de devenir
plus tard Empereur des Français.
Reconnaissant, Carlo
Buonaparte (que Marbeuf couvrait d'honneurs, de titres et de rentes) lui fera graver cette plaque
commémorative sur la façade du palais des 12 : "A Louis Charles René, comte de Marbeuf,
chevalier commandeur de l'ordre de St-Louis, lieutenant-général en
chef des troupes françaises, gouverneur suprême de la Corse,
président des États, homme très distingué par la sagesse, la
justice, la prudence, en reconnaissance de ses libéralités envers l'Ile
entière, et, pour en laisser un souvenir solennel, tous les ordres
de l'Ile, tous les hommes recommandables et ceux qui se sont réjouis
du retour d'un homme qui a si bien mérité de leur pays, ont eu soin
de faire graver, sur le marbre, les sentiments d'amour qui, depuis
longtemps, étaient gravés dans leur coeur." C'était la tout le 18ème siècle : Une dignité
éteinte dans un mélange hypocrite d'arrogance, d'adulation, de
complaisance et de
servitude.
Mais au gré des mortels et des courants
politiques, la faveur est changeante... et douze années
plus tard, l'élogieuse inscription faisait place à cette autre :
"La Corse, aujourd'hui heureuse et libre, pour rendre hommage à
la vérité, a détruit le monument érigé par l'imposture et
l'adulation, en l'honneur d'un tyran qui avait fait peser sur elle
le joug du malheur".
Orgueilleux, vaniteux, hypocrite, Marbeuf méprisait
les Corses autant qu'il les craignait.
Dès
son arrivée, il entame une féroce et odieuse répression qui
ramènera l'île aux débuts de l'époque Génoise. Tous
les bandits (les paolistes) pris les armes à la main sont roués vifs
et pendus au
premier arbre à côté de leur maison; d'autres sont envoyés aux
galères. Sans aucune forme de procès, les femmes et les enfants
des Patriotes qui ont suivi Paoli dans son exil sont expulsés de
Corse.
La délation est encouragée et de fortes primes sont promises
pour chaque bandit capturé ou tué. Les bergers sont astreints à
résidence (en cas d'absence de plus d'un mois, tous leurs biens sont
confisqués), pire, les bergers du Fiumorbu qui ont cependant accepté de déposer
les armes sont fusillés. De 1769 à 1774 la potence est dressée plus d'une
cinquantaine de fois.
Dans le Niolu,
onze Paolistes sont pendus. Plus d'une centaine sont
torturés, condamnés à la roue, déportés aux galères
ou envoyés au bagne de Toulon. Des maisons sont brûlées, des
villages sont pillés et de nombreuses exactions sont commises. Des juntes nationales sont crées pour faire
respecter ces mesures sanguinaires. Marbeuf envisage même de brûler
le maquis Corse pour en chasser les rebelles : "Pour parvenir à éteindre tout à fait une race aussi
exécrable, le premier moyen étant de leur ôter la
facilité des retraites que leur offre les maquis,
nous avons pris la résolution de les faire brûler
dans toute l'étendue de l'île".
Par une ordonnance du 23 août
1768, le
drapeau national à tête de Maure est interdit. Pour réduire
le peuple Corse à l'ignorance et l'empêcher
d'accéder aux emplois, les Jesuites qui
dispensaient un enseignement de qualité ont été
expulsés; en 1769,
l'université de Corti est fermée, les collèges
de Calvi et de Cervioni (1785) sont supprimés. Sont
également supprimés : le Conseil d'Etat, la milice
nationale, la monnaie nationale, la Gazette
nationale (seul journal de l'île), le mot
"Nation" pour parler de la Corse qui fut réduite au
stade de département.
La Corse entière
s'indigne des privilèges et des faveurs et accordés à
certaines familles, notamment à celles qui comblent
la famille des Buonaparte; pour mieux asseoir sa
domination, la France multiplie en Corse les
administrateurs étrangers et leur distribue
abusivement des terres, comme à Marbeuf qui reçoit
le marquisat de Cargèse. Cependant, les paysans mécontents
résistent comme ils peuvent malgré un état de misère
grandissante si l'on en juge par le nombre d'enfants
abandonnés (257 en 1791, rien qu'à Bastia).
Dans une lettre
lettre manuscrite datée d'Ajaccio le 21 août 1773, Marbeuf écrit :
"Il ne faut pas regarder la Corse, comme un pays ordinaire ; tel qui peut
très bien occuper une place en France, se trouverait ici très embarrassé, s'il
voulait fàire le bien, et il n'y a guère que ce point de vue qui puisse en
rendre le séjour supportable : un travail forcé ; des contrariétés perpétuelles
; des inconvéniens de l'air pour la santé ; peu d'amusemens ; des dépenses
d'Etat considérables par la cherté de tout, et la nécessité de donner si l'on
veut réussir ; voilà à quoi il faut se préparer, en venant ici. Le bonheur
d'être utile au service du Roy et de diriger au bien une nation dont le fond est
très bon, quand elle sera dépouillée de l'enveloppe grossière que lui a donnée
un siècle de guerres intestines et cruelles ; l'avantage de créer pour ainsi
dire un pays qui est encore dans le chaos ; de vous porter à y répandre
l'abondance par le commerce et l'agriculture, en vous envoyant de bons mémoires
sur toutes les parties ; de mériter par conséquent votre estime et celle du
public ; voilà des motifs bien pressants pour celui qui vous représente ici, et
bien propres à lui faire tout sacrifier pour remplir une si belle tâche ; mais,
tous les hommes ne sont pas nés avec l'amour du travail et la bonne volonté
seule ne suffit pas pour ce qu'il y a à faire en Corse".
Marbeuf,
dont les moeurs libertines étaient connues dans toute la
Corse, a été tour à tour commandant
des troupes françaises en garnison en corse, lieutenant
général des armées du roi et commandant en chef dans l'île
du 1er avril 1770 jusqu'à sa mort. Riche, devenu veuf après
avoir épousé en 1752 Eléonore Julie de Guemadeuc, sans
enfants, il partageait sa vie entre Cargèse et Bastia avec
les plus célèbres courtisanes de la ville. Il a
été pendant longtemps l'amant de la Signora Maria Domenica
de Varese (1714), née Cecconi, que l'on surnommait la Cléopatre
Corse pour avoir eu entre autres comme amants Mallebois et
Cursey. Marbeuf, s'éprit ensuite de la femme de l'intendant Chardon
en poste à Bastia. A l'âge de 71 ans, il épouse en second
noce, le 29 septembre 1783 à Paris, la jeune Catherine-Antoinette
Salinguerra Gaillardon de Fenoyl (1765-1839) âgée à peine de
18 ans qui lui donnera deux enfants : Marie-Alexandrine et
Laurent. Elle deviendra baronne d'Empire puis veuve de
Marbeuf qui lui a légué toute sa fortune, religieuse du
Sacré-Coeur.
Décédé à l'âge de 74
ans, le 20 septembre 1786 à Bastia, Marbeuf a été enterré
selon sa volonté, dans la crypte de l'église Saint-Jean-Baptiste.
Quelques années seulement après sa mort, la tombe de
celui que les Corses surnommaient "le
pacha luxurieux"
sera profanée. En
1791, son corps failli être déterré par les
révolutionnaires pour être jeté dans le vieux port mais
l'intervention vigoureuse de l'abbé Bajetta, curé de
Saint-Jean, les en empêcha. Cependant, l'épitaphe qui figurait sur sa tombe fut détruite quelques temps après et remplacée par une
inscription injurieuse (*) qui a disparu à son tour laissant à ce
jour une sépulture anonyme et invisible.
(*)
Voici cette inscription injurieuse que le latin atténue fortement :
"Monumentum, quod vile mendacium et venalis adulatio tyranno
gementis Corsicae dedicarunt, ridentis nunc totius Corsicae libera
veritas et vera libertas delevere".
Pour la petite histoire, Napoléon serait né de
la relation adultérine entre Letitia et Marbeuf, dans le
village de Sainte Sève en Bretagne où ce dernier y possédait un
château. Les pages des registres de naissance ayant curieusement
disparues, aussi bien à Sainte Sève qu'à Ajaccio, le doute est
toujours permis...
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Napoléon est-il né en Bretagne ? |
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L'histoire d'amour de la mère de Napoléon.
Source :
http://www.napoleonicsociety.com/french/pdf/meredenapoleon.pdf |
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