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De la plus sanglante anarchie
Le règne étoit près de finir,
Et de l'antique monarchie
Bientôt les lys alloient fleurir;
Du sein de l'impure license
S'éleva, pour punir la France,
Un mortel farouche et pervers,
Qui, dans son audace insensée,
Conçut l'infernale pensée
De bouleverser l'univers.
Dans la Corse qui le vit naître,
Façonnée à la trahison,
Son âme semble toujours être
Le triste asile du soupçon ;
Son visage est sombre et livide,
Son oeil incertain et perfide
Recèle une noire fureur;
Rien ne l'émeut, rien ne le touche,
L'injure est toujours sur sa bouche,
Et la vengeance dans son coeur.
Héritier de la tyrannie
Des vils suppôts de la terreur,
Pour eux son atroce génie
Avoit signalé sa fureur ;
A jamais de vendémiaire
Le mois terrible et sanguinaire
Epouvantera les esprits ;
Ce fut sa première victoire ;
Oui, son premier titre à la gloire
Fut le massacre de Paris.
Bientôt dispensateur prodigue
De l'or et du sang des Français,
L'insensé renversa la digue
Conservatrice de la paix ;
Par le meurtre et le brigandage,
Etendant partout le ravage,
S'abreuvant de sang et de pleurs,
Ses épouvantables conquêtes
Ont accumulé sur nos têtes
Des siècles entiers de malheurs.
Par quelles vertus, à quel titre
Prétend il régler nos destins ?
Eh ! qui donc l'a rendu l'arbitre
Des peuples et des souverains ?
Son génie ?.... Orgueil déplorable !
Ah ! de ce génie effroyable,
Dieu ! délivrez ma nation !
Ton génie, inflexible Corse ?
Tu n'as que celui de la force,
Celui de la destruction.
Que devons-nous à ce génie
Dont on proclame la grandeur ?...
Du commerce et de l'industrie
Et la ruine et le malheur ;
Accablés d'impôts arbitraires,
Tous les Français sont tributaires
Du luxe de ses courtisans ;
Les campagnes sont dépeuplées ;
Partout les mères désolées
Lui redemandent leurs enfants.
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2
Luxembourg ! Catinàt ! Turenne !
Et vous, noble et vaillant Bourbon,
Condé, dont sa jalouse haine
Frappa l'illustre rejeton !
Au milieu des camps, des alarmes,
Vos lauriers vous coûtoient des larmes ;
Mais lui, sans pitié, sans remords,
Dans sa frénétique démence,
II ne pourra trouver en France
Assez de sang et de trésors.
Que d'autres célèbrent encore
Sa clémence envers les proscrits !
Fausse clémence, que j'abhorre !
Savez-vous quel en est le prix ?
Les D'Harcourt, les Clermont-Tonnerres
Sont, aux emplois les plus vulgaires
Condamnés à s'assujettir ;
Et leur noblesse révérée
Est de son abjecte livrée
Contrainte de se revêtir.
Mais de la religion sainte
Il a relevé les autels !
L'imposteur! sa piété feinte
Cachoit des desseins criminels ;
Couvert de ce voile hypocrite,
Il trompa la foule séduite ;
Que vouloit-il ?... Que ses forfaits,
Publiés jusques dans les temples,
Fussent célébrés comme exemples,
Et chantés comme des bienfaits.
Dites-nous, ô Pontife auguste,
De la foi glorieux martyr,
Modèle des vertus du Juste,
Dites-nous comme il sait trahir !
Vous vous taisez... votre âme sainte
Dédaigne toute humaine plainte ;
Mais, s'élevant jusques aux cieux,
Sa vive et fervente prière
Allume le divin tonnerre
Qui doit écraser l'orgueilleux.
Partout Ce tyran sacrilège,
Profanant la religion,
Marche toujours tendant un piège,
Ou semant la corruption :
Flattant le peuple qu'il domine,
De Jésus il suit la doctrine
Favorable à son intérêt ;
Naguère, aux plaines de l'Afrique,
Sa détestable politique
Servoit le dieu de Mahomet.
Et c'est ce monstre abominable
Que plus d'un écrivain flétri
Ose nous montrer comparable
Au bon et magnanime Henri !
O délire de la bassesse !
Et c'est aux Français qu'on s'adresse !...
Jamais, sur ce front détesté,
Ce peuple sensible et fidèle
Ne reconnaîtra le modèle
De l'honneur et de la bonté.
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3
0 Henri! si ta noble cendre
Pouvait se ranimer un jour !
0 ! si le ciel pouvait te rendre
A nos souhaits, à notre amour !
Que de transports ! que d'allégresse !
Et que de larmes de tendresse
S'échapperoient de tous les cœurs !
O bon roi ! ta seule présence
Feroit oublier à la France
Vingt ans de crime et de malheurs !
Mais toi, l'opprobre de la terre,
Tremble sur ton trône sanglant !
Tyran, ton règne est éphémère,
Et la postérité t'attend !
A la gloire solide et pure
Jamais l'assassin, le parjure
N'auront de véritables droits :
Pichegru, frappé dans ses chaînes,
D'Enghien, massacré dans Vincennes,
Parlent plus haut que tes exploits.
On ose dire que ces crimes
Sont ceux de la nécessité,
Qu'un petit nombre de victimes
A suffi pour sa sûreté !...
Non, il laisse dormir sa rage,
Déjà plus d'un triste présage
Glace mon coeur épouvanté.
Un péril... un soupçon peut-être…
Et la France verra renaître
Le règne de la cruauté.
Chantez, poètes mercenaires,
Chantez le grand Napoléon !
Chantez ses lauriers sanguinaires,
Sa dévorante ambition.
Pour nous, plus de paix, plus de trêve,
Le cruel a tiré le glaive ;
Chantez, le sang coule à grands flots,
La guerre est une boucherie ;
Chantez !... ou craignez la furie
De votre implacable héros.
Mais moi, Français, sujet fidèle
A l'auguste sang de mes rois,
Je voue une haine éternelle
A l'usurpateur de leurs droits.
Quand viendra le jour de vengeance
Où, de sa coupable puissance
Finira le cours désastreux ?.
Tombe ce tyran exécrable,
Et que sa chute épouvantable
Serve d'exemple à nos neveux !
0 France ! ô ma chère patrie !
Jusques à quand souffriras-tu
Qu'une race impure et flétrie
Opprime ton peuple abattu ?
Repren(d)s ta Royale couronne,
Et précipite de son trône
Ce fils du crime et des hasards ;
Trop long-temps la pourpre décore
Un infâme, qui déshonore
Le diadème des Césars.
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