Bibliographie Livre d'or ***
 
 

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NAPOLEON A SAINTE-HELENE

OU LE DERNIER EXIL (15 octobre 1815-05 mai 1821)

 

Le 1er mars 1815, après 93 jours d'exil à l'Île d'Elbe, Napoléon débarque à Golfe Juan. Le 13 mars 1815, il es mis Hors-la-loi  par l'ensemble des puissances européennes qui participent au congrès de Vienne; ce qui n'empêchera pas Waterloo et la désastreuse bataille qui joncha le sol de la "morne plaine" de plus de 120.000 cadavres (67.500 Français, 30.000 Prussiens et 22.800 Anglo-alliés). Le maréchal Blücher qui commandait l'armée prussienne déclarait  que s'il avait pu faire prisonnier Napoléon, il l'aurait fait fusiller. Il en avait le droit.

Le soir du 18 juin 1815, après une fin de bataille au corps à corps, sanglante et acharnée, Napoléon, escorté de quelques officiers d’état major, prend précipitamment la route de Charleroi et finalement de Paris où quatre jours plus tard, il est contraint d'abdiquer pour la seconde fois, face au manque de soutien politique. Le 22 août, il fait sa reddition sur un bâtiment de la Royal Navy, Le HMS Bellerophon qui l'emmène d’abord à Plymouth puis en exil à Sainte-Hélène où il restera jusqu’à sa mort en 1821.

 

D'abord retiré au château de la Malmaison, puis le 11 juillet à Rochefort où il a l'intention d'embarquer pour l'Amérique, Napoléon décide finalement de s’en remettre aux Anglais et il leur écrit cette lettre restée célèbre : "Je viens comme Thémistocle m’asseoir au foyer du peuple britannique..."

Depuis son retour de l'Île d'Elbe Napoléon est méconnaissable. Handicapé par son embonpoint, il est obligé de se faire porter à dos d’âne par un marin pour rejoindre le port et monter sur la barque qui va le mener jusqu'au Bellerophon au matin du 15 juillet. En le voyant pour la première fois, un officier fera de lui une description physique peu flatteuse : " De loin, il avait l’air d’un gros oeuf et de près, c’était un moine espagnol bien nourri, le teint olivâtre, pas de cou, le ventre proéminent, les mains grasses, la chair flasque".

Pendant la traversée, l'Empereur est détendu. Il pense que les Anglais vont lui donner un château dans la banlieue de Londres. Le 24 juillet au matin, le Bellérophon jette l'ancre en rade de Torquay. Dès l'annonce de son arrivée des milliers de badauds se précipitent sur des barques pour s'approcher du navire et tenter d'apercevoir Napoléon. A plusieurs reprises, visiblement satisfait, il monte sur le pont pour saluer cette foule qui ne lui montre aucune hostilité, à l'inverse des journaux apportés à bord du navire qui publient des appréciations très violentes à l'égard de celui qu'ils appellent "l'ogre corse", le "fléau de l'humanité", le "vaurien sanguinaire", le "fripon à diadème" et proposent de lui "faire expier ses crimes en lui infligeant toutes sortes de châtiments, dont le moins cruel serait de le déporter dans une île lointaine".

 

En apprenant que le capitaine Frederick Maitland vient de recevoir l'ordre d'appareiller pour Plymouth, Napoléon ne peut cacher son inquiétude, tandis que se confirme le bruit selon lequel le gouvernement de Londres continuerait à délibérer sur le sort qui devait lui être réservé. Finalement, après avoir hésité entre la pendaison et l'emprisonnement, les Anglais feront le choix de la déportation.

Le Bellérophon appareille donc pour Plymouth le 26 juillet au matin et le soir du même jour, il arrive à destination. A peine a-t-il jeté l'ancre qu'il est encadré de deux frégates chargées d'empêcher toute embarcation d'approcher. Après trois jours d'angoisse, Napoléon apprend sans préambule que le gouvernement de Londres a pris la décision de le déporter dans l'île de Sainte-Hélène afin, précise-t-il, "de ne pas lui laisser la possibilité de troubler à nouveau la paix de l'Europe". Il pourra se faire accompagner par trois des officiers français ayant pris place à ses côtés à bord du Bellerophon, un chirurgien et dix domestiques. Il lui est précisé que le départ aura lieu dans quelques jours car  le Bellérophon ne se trouvant pas en état d'accomplir un tel voyage, les Français prendront place à bord du Northumberland, navire de ligne armé de 78 canons, présentement en rade de Portsmouth où il subit quelques réparations et aménagements au retour d'une longue campagne aux Indes. Napoléon est furieux.

Le 7 août, après d'interminables journées d'attente, Napoléon, suivi de ceux qui ont été désignés pour le suivre dans son exil, prend place sur le canot qui se dirige rapidement vers le Northumberland.

Le 14 octobre à la nuit tombée, après 64 jours d'une ennuyeuse traversée entrecoupée d'une brève escale devant l'île de Madère, le Northumberland jette l'ancre dans la baie de JamesTown (en raison des vents violents qui balaient régulièrement l'île de Sainte-Hélène, les navires peuvent rarement accoster) et le lendemain, à quatre heures du soir, Napoléon débarque enfin sur cette île qui a pour lui l'aspect d'un gros caillou.

 

A Sainte Hélène, en attendant la remise en état de Longwood House, Napoléon va résider pendant deux mois au pavillon des Briars où réside la famille Balcombe : Lucia Elizabeth, (1802-1871), Jane et leurs deux jeunes frères. Lucie Elisabeth dite "Betsy" deviendra par la suite très proche de Napoléon et lui donnera le diminutif de "Bony".

 

Betsy Balcombe

 

Puis Napoléon s'installera définitivement à Longwood house, une villa de style colonial dont il dira plus tard : "Cette villa qu’on m’a donné, mais c’est inconvenant ! quand on a commandé le monde, c’est bien le moins qu’on reçoive un château". Dans cet exil qui n’en est pas un et que l’on pourrait presque qualifier de « doré », il va reconstituer sa Cour, tout en continuant à vouloir être le personnage qu’il était aux tuileries.

D'ailleurs, il n'est pas venu seul puisque quatre "Évangélistes" l'ont accompagné :

-Emmanuel Auguste Dieudonné, comte de Las Cases, qui réussira à se faire expulser (on pense volontairement) de Sainte Hélène par les Anglais en 1818 afin de rentrer en France préparer son Mémorial (un récit romanesque à la gloire de l'Empereur, rempli de contrevérités et de mensonges). Véritable chef d'oeuvre de propagande Napoléonienne, le Mémorial sortira un an et demi après la mort de Bonaparte.

Trois officiers accompagnent également Napoléon :

- Le général Charles Tristan de Montholon. Escroc notoire en fuite pour échapper à ses créanciers, il compte sur les charmes de son épouse Albine pour obtenir une partie de l’héritage de Napoléon qui le sait parfaitement mais qui juge utile sa présence.

- Le général Gaspard Gourgaud (il quittera lui aussi l’île dès 1818). Un mauvais esprit qui ne s’entend avec personne et qui surnomme Montholon "le basset" et Las Cases "le Jésuite".

- Le maréchal Henri Gatien Bertrand, qui restera jusqu’à la fin. C’est lui qui aura écrit le plus sur Napoléon. Il est l'auteur des Cahiers de Sainte-Hélène, une étude scrupuleuse des relations au jour le jour, des moindres mots, faits et gestes de Napoléon. 1er en exil à Sainte-Hélène du 1er avril 1816 à mai 1821. Les Cahiers de Sainte-Hélène se composent de trois volumes publiés longtemps après la mort de Bertrand. Déchiffrés et annotés par Paul Fleuriot de Langle, ces cahiers paraîtront respectivement en 1949, 1951 et 1959.

 

Au milieu de sa petite cour, Napoléon exige qu'on l'appelle "Sir" car il ne veut plus être Bonaparte mais l'Empereur; d'où, en grande partie, une mésentente "cordiale" et constante avec son geôlier.

Hudson Lowe est hanté par la peur de voir Napoléon s'échapper à nouveau, tandis que Napoléon qui le soupçonne toujours de vouloir attenter à sa vie, dit de lui qu'il "a le crime gravé sur le visage".

Hudson Lowe, dont on dit qu'il s'acquitta de cette mission avec une dureté qui, en France, lui a donné une renommée peu flatteuse, est en réalité manipulé par Napoléon qui va savoir transformer volontairement sa captivité en martyr. Il va transformer les quelques exigences d'Hudson Lowe en tyrannie et despotisme jusqu'à donner l'image d'un Prométhée attaché à son rocher. Tous ceux qui liront le Mémorial seront de fait, bouleversés par les conditions de captivité de l'Empereur.

On pourrait croire que l'exil sur cette île volcanique de 122 km2 perdue au milieu de l'Océan Atlantique, est une chose épouvantable pour Napoléon qui clame : "les Anglais ont placé sur ma tête la couronne d'épines"; mais en y regardant de plus près, on constate qu'il y a pire comme captivité. Il a 30 domestiques à son service. Il reçoit des Anglais 100 livres de viande, 6 poulets et d'autre victuailles à profusion chaque semaine; 1200 bouteilles de vin qu'il choisi lui-même et 14 bouteilles de champagne par mois. Tout cela ne ressemble pas à la captivité qu'il avait imposé à Toussaint Louverture, dont il disait qu'il n'était qu'un nègre, et qu'il avait fait arrêter et incarcéré en isolement au fort de Joux où il mourut de faim et de froid le 7 avril 1803.

D'ailleurs, Gourgaud, écoeuré par cette vie, presque de débauche et d’oisiveté, a écrit dans son journal : "Je voudrais que nous fussions tous au cachot, l'Empereur y compris, au lieu de végéter comme nous le faisons ici à boire et à manger".

A boire et à manger... pas seulement. Napoléon ne boude pas non plus les autres plaisirs de la chair. Il a pris pour maîtresse Albine de Monthelon à laquelle il fera d'ailleurs un enfant (son général de mari peut être content ! il sera couché sur le testament de Napoléon pour la somme de 200.000 francs); mais ça ne suffit pas à Napoléon. Il lui faut aussi l'épouse de Bertrand, Stéphanie, mais elle se refuse à lui. Alors, vexé, furieux et haineux, il s'en prend à son médecin.  Il dira, sans-gêne à Bertrand : "Antommarchi, je ne veux plus le voir ; je ne lui pardonnerai jamais d'avoir soigné une femme qui a refusé d'être ma maîtresse ; d'ailleurs, c'est l'amant de votre femme, elle va dans les fossés avec tous les officiers anglais".

 

A Longwood, Napoléon revisite son passé, lisant et relisant en les savourant toutes les lettres que les souverains lui envoyaient du temps où il était encore Empereur et qu’il a emporté avec lui. Il confie à Bertrand : "je voudrais bien tout de même être enterré comme les rois, à Saint Denis". il avait rédigé lui même son épitaphe : "Parti de rien et né dans la misère, Napoléon 1er est arrivé à s'asseoir sur le premier trône du monde". Il ajoute : "J'aurai du mourir à Moscou, César alors, n'eut pas approché de ma jarretière !".

Peu de temps avant sa mort, il dira à Bertrand :

- Le 27 mars 1821 : "Je suis bien content de ne pas avoir de religion, ça simplifie tout et je n'ai pas de craintes chimériques à avoir" ; mais il tiendra cependant à recevoir les derniers sacrements car, dit-il, "cela est bon pour la moralité publique".

- Le 26 avril : "Je ne connais ni femmes ni enfants, tout ce que je demande , c’est qu’on me serve" [...] "et Montholon, je sais très bien pourquoi il est là ; il guette ma succession. Et après !. Quand on veut de l’argent de quelqu’un, on ne lui donne pas de coups de bâton, on lui obéi, on rampe, c’est ce que je veux !".

 

Bertrand et Gourgaud, rapportent encore d'autres mots de Napoléon bien plus cruels :

- A Gourgaud : "Je n’apprécie que les gens qui me sont utiles, dans la mesure où ils le sont et pendant qu’ils le sont".

On relève aussi dans les cahiers de Bertrand ces paroles très dures :

- A Talleyrand : "J’ai 300.000 hommes de rente !".

- Ou encore le 27 juin 1813 à Metternich : "Un homme comme moi se fout de la vie d’un million de C... !"

Jusqu'à la fin de sa vie, Napoléon n'exprimera jamais le moindre regret pour tout le mal qu'il a causé par la perte de milliers de vies humaines. Il dira simplement : "Il y a l’enclume et le marteau, j’étais du côté du marteau !».

 

 

 

A partir de 1817, Napoléon commence à avoir des vomissements et au printemps 1821, les souffrances étant devenues insupportables, sentant sa mort prochaine, il écrit son testament dans lequel on peut lire ces lignes : "Je désire que mon fils adopte pour devise celle qui fut la mienne, Tout pour le peuple Français, je désire que mes cendres reposent au milieu de ce peuple Français que j’ai tant aimé".

Le 05 mai 1821, à 51 ans et 7 mois,  Napoléon meurt à 17h49, victime probablement d'un cancer de l'estomac comme son père.

50 ans plus tard, le 16 mai 1871, les communards renversaient la colonne Vendôme, symbole de fausse gloire et de la violence au service du mal.

Les mensonges de l'histoire deviendront vérité lorsque ce ne sera plus l’imposture qui se chargera de l'écrire- CHATEAUBRIAND.

 

Annonce de la mort de Bonaparte parue dans le Journal de Dijon & de la Côte d'Or le 11 juillet 1821.

 

 

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Date de mise à jour pour cette page : 29 septembre 2024