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									 Xavier Rocchini est né à Muratello, près de Porto-Vecchio, en 1864. 
									C'est un paisible fils de laboureur qui a appris à lire et à écrire et que rien 
									ne prédispose au crime. Au mois 
						de septembre 1882, deux chiens appartenant à la famille 
						Tafani, qui habite Pacciulella, hameau de la commune de 
						Porto-vecchio, avaient été tués, et Rocchini 
						Jean-François, père de Jean-Baptiste, fut tué, et à leur 
						tour ces derniers et leur famille imputèrent le fait à 
						Simon Tafani. A la différence des Tafani qui n’avaient 
						point porté plainte, ils saisirent le parquet de Sartène 
						qui ne put, faute de preuves suffisantes, donner suite à 
						leur réclamation. L’offre d’une indemnité faite par le 
						père de Simon fut d’ailleurs repoussée, et l’attitude 
						des Rocchini ne permit point de douter de leur 
						ressentiment. Dès cette époque, Jean François Rocchini 
						et ses deux fils Jean-Baptiste et Xavier, qui n’avaient 
						eu jusque-là qu’un fusil, furent armés tous les trois. C'est 
						ainsi que la querelle entre les Rocchini et les Tafani, 
									une famille voisine autrefois alliée, marque le début d'une 
									spirale criminelle. A l'âge de 19 ans. Xavier Rocchini est devenu bandit à cause de la 
									mort d'un chien, celui des Tafani. 
						A l'aube du 11 octobre 1882, le corps de
						Giovan-Francesco Rocchini, soupçonné d'être l'auteur de 
						ce crime, est retrouvé percé de deux balles tirées à 
						bout portant, au lieu dit Pacialella, près du lit 
						asséché d'un ancien ruisseau. Le cadavre est déjà saisi 
						par le froid lorsque les gendarmes le découvrent. 
						La 
						rumeur désigne les Tafani comme étant les auteurs de ce 
						meurtre. Les Rocchini en appellent vainement à la 
						justice légale avant d'être à leur tour accusés. 
						En représailles, le 09 septembre 1883, les gendarmes de 
						Porto-Vecchio découvrent le corps de Simon Tafani, 19 ans, 
						tué presque à bout portant de deux balles dans la région 
						abdominale. Et c'est 
						ainsi que Xavier Rocchini, âgé lui aussi de 19 ans, 
						devient bandit à cause d'un vieux proverbe : " Chi 
						tomba u cane, tomba l'omu". (Qui tue le chien, 
						tue le maître). Son 
						frère Jean-Baptiste, le rejoindra au maquis deux ans 
						plus tard.   Puis les 
									meurtres s'enchaînent. C'est une haine 
									inextinguible contre l'ennemi des Rocchini, 
									la ferme volonté d'exterminer cette race des 
									Tafani, et d'assurer au père, aux frères, à 
									tous ces Rocchini tombés dans des 
									embuscades, le doux sommeil des morts qu'on 
									a vengés. 
									Protégé par quelques 
									membres de sa 
									famille et les amis qui lui fournissent vivres 
									et munitions, l'hiver, Rocchini parcoure les 
									plaines, se risque aux abords des 
									villages, couche dans des grottes, 
									reçoit quelquefois l'hospitalité d'un 
									brave paysan lorsque au cours de ses longues 
									errances il lui arrive de rencontrer les 
									gendarmes. 
									Le soir de Noël, deux 
									mois et demi après le meurtre de Simon 
									Tafani, Rocchini tombe su un campement de 
									charbonniers. Il trouve auprès d'eux une 
									certaine stabilité en participant pendant un 
									an aux labeur d'une vie communautaire ; mais 
									à la fin de l'année 1883, sa rencontre avec 
									le bandit Pietro Giovanni va de nouveau le 
									faire basculer dans le crime.  
									  
									Dans la nuit du 29 au 
									30 mars 1885, en compagnie de Giovanni, 
									Xavier Rocchini va tuer pour la deuxième 
									fois de sa vie en assassinant sauvagement 
									deux vieillards, les frères Vincensini pour 
									les dépouiller de leurs économies.  
						 Le 04 janvier 1886, Xavier 
							Rocchini va commettre le plus horrible crime de sa 
							triste carrière de Bandit en abattant  froidement 
							à bout portant d'un coup de fusil dans le ventre Jeannette Milanini, 
							sa propre cousine, une jeune bergère de 15 ans qui se refusait à lui. Voici les faits tel qu'il furent entendus par la cour d'assise de Bastia et rapportés dans 
						le journal  Le petit Parisien du 07 septembre 1888 
							: 
						"A la belle saison, Rocchini grimpait dans la montagne à l'air frais, tantôt ici et tantôt la, 
						ne s'attardant jamais plus d'une nuit au même endroit. Un jour, au hasard de sa marche 
						vagabonde, il rencontra une jeune fille, une enfant de seize ans, qui faisait brouter ses chèvres. Elle était, 
						ont dit les témoins, jolie et douce, avec des cheveux blonds tombant sur ses yeux noirs et, dans sa petite 
						tête d'oiseau, une fermeté inébranlable, la mâle résolution d'un homme dans un corps tout frêle de gamine. 
						Le bandit la vit, l'aima, et, de ce jour, dédaigneux de toute prudence, bravant les 
						gendarmes qui allaient découvrir sa retraite et qui finiraient bien par l'atteindre, il ne quitta plus la 
						montagne, suivant la jeune fille pas à pas, rôdant autour de sa cabane, la guettant à tous les sentiers, 				lui déclarant son amour dont elle ne voulait pas, lui 
						adressant des prières qui l’irritaient et des menaces qui la faisaient rire... Autour d'elle, cependant, on s'inquiétait. 
						Jeannette ne voulait rien entendre et continuait à conduire ses chèvres, toute seule, dans les 
						ravins perdus. 
						Un jour, cependant, elle rentra à la maison un peu pâle. Le bandit s’était une fois encore 
						présenté à elle. Il lui avait parlé, il lui avait dit: 
						« Songes-y bien! si tu ne veux pas être à moi, je te tuerai! ». 
						L'enfant était sans famille, n'ayant pour se défendre que sa mère, déjà vieille, 
						presque infirme ; elle lui dit sa rencontre avec le bandit, et doucement, avec son sang-froid de petite 
						femme elle ajouta : "Mariez-moi, ma mère, s'il me poursuit encore, j'aurai quelqu'un pour me détendre, et 
						s'il me tue, j'aurai quelqu'un pour me venger". 
						Et la pauvre vieille mère, toute tremblante, descendit à Porto-Vecchio chercher un mari 
						pour sa fille. 
						Le bruit se répandit bientôt dans la montagne que 
						Jeannette allait épouser un forgeron 
						du pays, un gars solide, qui saurait bien la garder des bandits. Quelques jours après, Rocchini reparut devant 
						elle. Il lui posa cette question :  Es-tu décidée ? 
						Il avait, dit l'acte d'accusation, les yeux hors de la tète, le visage en feu, la voix 
						sifflante; mais Jeannette n'avait pas peur, et c'est de son même air résolu qu'elle répondit : 
						- Je suis décidée 
						- Tu ne veux pas être à moi? 
						- Jamais! je coucherai plutôt 
						au tombeau qu'auprès de vous. 
						Alors, le bandit recula de quelques pas et, armant son fusil : 
						- C'est bien, dit-il, tu vas mourir ! 
						- Ah ! tu aurais ce courage ? 
						Rocchini, pour toute réponse, épaula ; par deux, fois il fit feu. La petite 
						"Ghju" tomba tout de son long sur
						l'herbe rouge, et comme elle respirait encore, comme la vie se cramponnait à ce joli corps si jeune, la bandit s'approcha d'elle et, d'un 
						coup de pistolet dans l'oreille, il l'acheva". 
									  
									Cette année de 1886, 
									veille de la Toussaint, on découvre dans la 
									région de Porto-Vecchio, le corps d'un 
									cultivateur fusillé à bout portant dans le 
									ventre, le visage écrasé à coup de pierre.
									 
						Vers la fin de l'année 1886, 
						Rocchini fait partie de la bande de Pietro Nicolai dit 
						Barritone qui écume alors la région de Bonifacio. Ce 
						bandit de 51 ans connu des autorités judiciaires depuis 
						le début des années 60 pour vols et homicides. En 
						quelques semaines, les meurtres s'enchaînent ; on compte 
						déjà six morts dans le sillage de Barritone et Rocchini. 
						Le 08 juin 1887 c'est l'assassinat du gendarme Arcençon ; le 12 février 1888, l'assassinat des frères Carducci. Ces bandits règnent sur la région, en répandant terreurs et 
						  menaces, tuant  froidement et se moquant de l'autorité.   
						La justice ne 
									parviendra jamais à établir avec certitude 
									le déroulement précis des évènements qui 
									dans la nuit du 1er au 2 juin 1886 avaient 
									coûté la vie au gendarme Lavigne, failli 
									emporter celle de Xavier Rocchini que l'on 
									crut quelques temps mort, conduisirent à 
									l'arrestation de son frère Jean-Baptiste, à 
									son transfert à la prison Sainte Claire de 
									Bastia et entraînèrent la destruction de 
									Pietro Giovanni le 16 novembre 1899.   
						Craint et haï, Xavier Rocchini sera 
						finalement arrêté par la gendarmerie, à la suite d'une dénonciation, dans une 
						buvette de Cauro le 09 septembre 1887. Il 
						assistait impassible à une partie de cartes entre quatre 
						joueurs. Il opposa une légère résistance aux gendarmes, 
						mais en présence de l'attitude du brigadier qui lui 
						avait appliqué le canon de son revolver sur la nuque, il 
						se laissa ligoter avec les menottes et conduire à la 
						salle de sûreté.Il fut trouvé porteur d'un stylet, qu'il gardait hors de 
						sa gaine dans la manche de sa veste.
 
						Rocchini était à Cauro depuis 
						l'avant-veille, il devait se rendre chez un de ses 
						parents à Tolla. On prétend que l'indication de sa 
						présence à Cauro serait due à un de ses parents. 
						Le lendemain de son arrestation, 
						il fut transféré à la maison d'arrêt d'Ajaccio. Il y 
						resta jusqu'au 22 septembre, date à laquelle il fut 
						transféré à Sartène, où devait se faire l'instruction 
						des différents crimes, dont il était accusé. Pendant les 
						dix jours qu'il passa à Ajaccio, il fut tranquille; il 
						avait l'air de ne pas se rendre un compte exact de sa 
						situation. L'instruction fut longue; elle dura huit 
						mois. 
						Le 9 mars 1888, Barritone, le 
						complice de Rocchini est est arrêté à Levie dans une 
						cabane de berger où il se cache depuis la capture de 
						son ami. Conduit à la prison de Sartène sous bonne 
						escorte, il y restera jusqu'à son procès en Cour 
						d'Assises qui se tiendra à Bastia  le 6 juin 1888.  
						Le 6 juin de l'année 1888, 
						Rocchini et son compagnon Nicolai, dit Barritone 
						(31 ans) qui font l'objet de 6 instructions différentes, sont 
						traduits devant la Cour d'assises de la Corse. Barritone 
						est condamné aux travaux forcés à perpétuité et Rocchini 
						est enfermé dans la cellule des condamnés à mort, les 
						entraves aux pieds. Agé seulement de 24 ans, 
						celui que l'on surnommait désormais l'Animale avait 
						tenu le maquis pendant quatre ans. 
						Après sa condamnation à la peine 
						capitale, Rocchini reste à la maison d'arrêt de Bastia, 
						jusqu'au 28 août, date à laquelle il est embarqué à bord 
						de l'Olinde Rodrigues qui accoste dans le port 
						d'Ajaccio après plus de 24 heures passées à longer les 
						côtes de la Corse en remontant le Cap-Corse, contournant 
						l'île de la Giraglia et logeant la côte occidentale. le 
						29 août 1888, Rocchini est 
						écroué à la maison d'arrêt d'Ajaccio et aussitôt revêtu 
						d'une camisole de force.  
						Dans la nuit du 3 au 4 septembre 
						vers 3 heures 30, Rocchini est embarqué sur un petit 
						vapeur le Progrès, appartenant aux frères Lanzi, 
						à destination de Propriano où il arrive à 8 heures. Une 
						diligence attend au haut du quai. Le condamné débarque à 
						9 heures précises ; il marche très alertement entre les 
						gendarmes jusqu'à la voiture qui s'ébranle aussitôt, au 
						milieu d'une foule immense mais silencieuse. Des 
						gendarmes à cheval l'escortent au grand trot.Vers onze heures et demie du matin, la voiture arrive au 
						grand galop dans la rue principale de Sartène, et de là 
						se dirige vers la caserne de gendarmerie. Le condamné 
						demande au brigadier Peretti, qui se trouvait à ses 
						côtés : "pourquoi toutes ces troupes, pourquoi ces 
						gendarmes ?", "C'est le 111"° de ligne, lui répondit-on, 
						qui permute avec le 112ème et les gendarmes passent une 
						grande revue". Rocchini paraît rassuré ; il monte très 
						alertement, les trois étages conduisant à la Chambre de 
						sûreté. On lui sert aussitôt à déjeuner ; il mange de 
						très bon appétit et fume une pipe.
 
						Vers cinq heures du soir le 
						fourgon de Deibler arrive ; la foule qu'on peut évaluer 
						à deux mille personnes court au devant. Elle accompagne 
						Deibler et ses aides escortés par un fort piquet de 
						gendarmes jusqu'à l'Hôtel de France, et elle se retire 
						tranquillement après avoir contenté sa curiosité. La 
						place Porta, toutes les rues de Sartène sont pleines de 
						monde, les cafés regorgent de consommateurs.
 
								
								 Le 4 septembre 1888 
								à deux heures du matin, le bourreau  et ses 
								aides procèdent au milieu d'un silence glacial 
								au montage de l'échafaud sur la place Porta à Sartène. Malgré l'heure matinale, plus de 
								2000 
						personnes sont présentes pour assister à l'exécution 
						officiée par le célèbre bourreau Louis Deibler (*) venu 
						spécialement de Paris. 
								
								En raison des menaces proférées 
						cotre lui : "Monsieur l'assassin patenté, vous pouvez y 
								aller à Sartène, mais, per Cristu !, vous 
								n'en reviendrez pas vivant ... Signé : un parent de Rocchini 
								", l'exécuteur, arrivé incognito à Ajaccio avec 
						ses deux aides, a été placé sous haute protection et ne 
								quitte pas le navire 
						durant son séjour. La berline transportant les bois de 
						justice  a été ensuite embarquée à bord du navire 
								Le Bocognano à 
						destination de Propriano et a bénéficie jusqu'à Sartène 
						des mêmes protection que l'on a prises pour Rocchini. 
						Leur besogne terminée, Deibler et ses aides 
						quitteront précipitamment la Corse. 
						  
							
								
									| 
								
								 | 
									Annonce de l'exécution 
									de Rocchini parue dans l'édition du petit 
									parisien le 03 septembre 1888. |    
								
									| 
									
									 | 
												
												L'exécution de Rocchini (Récit 
												du Docteur Adolphe Kocher). |    
							Lors de l'arrestation de 
							Xavier Rocchini, on n'a plus exécuté de bandits en 
							Corse depuis trente ans. 
							Son procès, présenté initialement devant le tribunal de Sartène pour 
						l'instruction du dossier, va se dérouler à Bastia où le bandit sera jugé et condamné à mort. Selon la procédure, 
						mais aussi pour l'exemple, la sentence devra être exécutée en place publique. Pour éviter le long trajet, 
						au demeurant très risqué, de Bastia à Sartène, le condamné est acheminé par bateau, en compagnie d'un 
						      transport de troupes, à Ajaccio d'abord, puis vers Propriano ensuite par une embarcation de la compagnie 
					      Lanzi spécialement affrétée pour cette mission. De Propriano à Sartène, en plus 
						      des brigades de gendarmerie locale, la troupe de ligne du 111ème régiment à été requise et disposée tout au 
						      long du parcours.   
						Voici, racontés par Le petit parisien dans son édition du 07 septembre 1888, tous les détails 
						de cette exécution : Rocchini a été exécuté hier matin sur la place  
						Porta, à Sartène. Il était depuis la veille enfermé à la caserne de 
						gendarmerie. Quatre gendarmes le gardaient. L'abbé Moneglia, aumônier de la prison, était venu le 
						voir et, sans l'avertir du sort qui l'attendait, lui 
						avait demandé s'il voulait s'entretenir avec lui 
						quelques instants. - 
						On va donc me couper le cou ?! s'écria Rocchini avec 
						terreur et en pleurant. L'abbé Moneglia le calma du mieux qu'il put en lui 
						disant que rien n'était encore certain.   
						Le condamné demanda alors à l'aumônier de recevoir sa 
						confession. A quatre heures, le docteur militaire 
						Kocher se rendit 
						à 
						la caserne do gendarmerie pour voir Rocchini. Celui-ci 
						dormait encore. Il avait passé la nuit à fumer, causant 
						avec les gendarmes des crimes qu'il avait commis ; il les 
						avoua tous, excepté celui d'avoir participé à l'assassinat 
						d'un gendarme nommé Arcençon, en ajoutant : "Que la 
						sentence qui me frappe soit exécutée ce matin si je mens
						". L'aumônier Moneglia arriva à quatre heures et quart. Rocchini, qui venait de s'éveiller, se leva en 
						sursaut en le voyant; le prêtre l'exhorta au repentir et Rocchini se mit à genoux. A quatre heures cinquante, tous les magistrat suivis du 
						greffier, se rendirent à la prison. 
						Le Procureur général dit à Rocchini : " 
						Vous avez été 
						condamné à mort à Bastia ; la Cour de Cassation a rejeté 
						votre pourvoi ; le Président de la République a refusé de 
						vous faire grâce ; la Justice suivra son cours ce matin ". Rocchini, pâle, fut pris d'un tremblement. " 
						Ayez du 
						courage ! ", lui dit le Procureur-général. Puis ce magistrat lui demanda s'il avait des révélations 
						à faire. Rocchini répondit affirmativement et resta seul avec le 
						Procureur-général. Interrogé, il avoua les crimes qui ont motivé sa 
						condamnation, nia encore avoir participé à l'assassinat 
						du gendarme Arcençon et reconnut sa complicité dans le 
						meurtre des frères Cartucci. Son attitude était suppliante ; il implora grâce, les 
						mains jointes, et demanda qu'on adressât un télégramme 
						au Président de la République. A cinq heures et quart, 
						un bruit se fit entendre dans le couloir ; le bourreau arrivait. Rocchini demanda de nouveau au Procureur de télégraphier 
						à M. Carnot et exprima le désir de rester un instant 
						seul avec l'aumônier, ce qui lui fut accordé ; il pria et 
						se résigna à son sort. A cinq heures vingt minutes, il livra ses mains à 
						l’exécuteur et à ses aides, qui lui ligotèrent les bras 
						le long du corps et entaillèrent largement le col de sa 
						chemise. A cinq heures et demie, le condamné fut mis dans le 
						fourgon. Des gendarmes à cheval précédaient et suivaient le 
						convoi.   
						
						
						 Le condamné est arrivé sur la place 
						Porta dans une 
						attitude humble, mais courageuse ; en descendant de 
						voiture, ses jambes pliaient. Il s'est mis à genoux et a 
						demandé pardon à Dieu et à la société. L'aumônier lui a 
						donné son crucifix à baiser. Les premières lueurs du jour éclairaient la guillotine. Des femmes qui étaient venues assister 
						à l'exécution 
						poussèrent quelques cris en voyant le condamné marcher 
						au supplice. A cinq heures trente-cinq minutes, Rocchini avait vécu. 						 
						L'exécution a été opérée avec une certaine lenteur. Le supplicié a eu sur la planche de fortes contractions 
						nerveuses. Plusieurs personnes sanglotaient et criaient 
						: « Grâce ». 
						La tête, prise dans le baquet par un des aides du 
						bourreau, lui a échappé des mains et est tombée à terre. 
						Une foule énorme stationnait sur la 
						place, dans les rues, aux fenêtres, sur les terrasses, 
						et même sur le clocher de 1’église. Aucun incident ne s'est produit.   
						Dans les groupes, on s'entretenait 
						de l'exécution et l'avis général était que la 
						décapitation de Rocchini aurait certainement pour 
						conséquence d'arrêter plus d'une main criminelle. 
						Le cadavre du supplicié a été 
						transporté au cimetière sur une charrette. Le docteur Kocher, assisté des médecins Casabianca et Feretti, a procédé un examen de la tête et a constaté 
						que la section avait été nette et partait du ras du 
						menton au niveau de la dernière vertèbre ; les yeux 
						étaient largement dilatés. 
						Il parait que la mère de Rocchini a réclamé le corps de 
						son fils. 
						A sept heures, l'échafaud était démonté et replacé dans 
						un fourgon. 
						Le bourreau et ses aides sont aussitôt partis pour 
						Propriano, escortés par un piquet de soldats et par la gendarmerie. Ils s'embarqueront aujourd'hui pour 
						Marseille.  
						 
							
								
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						(*) LOUIS, ANTOINE, STANISLAS DEIBLER 
						Descendant d'une antique lignée 
						allemande de bourreaux de 
						père en fils, Louis Anoine Stanislas Deibler (1823-1904), jeune homme robuste mais boiteux, a très tôt commencé à 
						assister son père Josef Anton Deubler (1789-1874).   
						Louis Deibler est le père 
						d'Anatole (1863-1939) qui le rejoindra en 1890 et qui, à 
						sa mort, deviendra son successeur (Anatole Deibler sera 
						notamment l'exécuteur de Spada). 
						Louis Deibler ne s'enthousiasmait pas à 
						l'idée de se rendre en Corse pour y trancher le cou du 
						bandit Rocchini. D'abord parce qu'il devait financer 
						lui-même (c'était la règle) un déplacement coûteux. 
						Ensuite, parce que sitôt arrivé à Marseille pour y 
						embarquer "LOUISON", le surnom donné à sa 
						guillotine, il reçoit un billet anonyme lui promettant 
						la mort s'il met un pied en Corse. 
						Protestations, négociations : on 
						lui permet finalement de rejoindre Sartène depuis Bastia 
						par voie de mer pour échapper à une traversée par les 
						routes de Corse jugée trop dangereuse. Sa surprise sera 
						considérable en arrivant à Sartène sous une escorte de 
						plusieurs dizaine de gendarmes : Venue de toute la 
						région une foule nombreuse qui ne lui montre aucune 
						hostilité, se presse pour assister à l'exécution. Un 
						apéritif de bienvenue lui est même offert pour 
						l'occasion. 
						Deibler ne s'attardera pas pour 
						autant. Sitôt Rocchini guillotiné, il prendra la 
						direction du port de Propriano, à l'abri de son 
						"fourgon" et quittera la Corse quelques heures 
						plus 
						tard. 
						En 1897, un incident se produit : 
						la maladresse d'un aide fait que Louis est aspergé de 
						sang en plein visage. Dès l'exécution suivante, Louis 
						Deibler demande de l'eau pour nettoyer le sang dont il 
						est recouvert. Cette fois, il s'agit d'une 
						hallucination. Louis Deibler vient de subir sa première 
						crise d'hématophobie et celles-ci deviendront de plus en 
						plus fréquentes. De plus en plus mal à l'aise, croyant 
						voir du sang partout, il bascule lentement dans la 
						folie. Le
						28 décembre 1898, il remet sa démission, qui est acceptée. Il sera 
						néanmoins forcé d'aller décapiter Joseph Vacher à
						Bourg-en-Bresse le 31 décembre 1898. 
						Installé chez son fils 
						Anatole, devenu son successeur, il meurt d'un cancer de 
						la gorge le 6 septembre 1904. Il est inhumé au cimetière de 
						Boulogne.   
									Louis, Antoine, 
									Stanislas Deibler comptait à sa mort 
									quelques 360 exécutions capitales. 
									Trente et un an plus 
									tard, le 21 juin 1935 à quatre heures, le 
									dernier condamné à mort exécuté en public 
									dans l'île fut André Spada. Le bourreau qui 
									officiait ce jour là se nommait Anatole 
									Deibler. C'était le fils de Louis Deibler.
									
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