En avril 2016, dans le défilé du Lancone, des gendarmes
mobiles tentaient de reconstituer un puzzle macabre
éparpillés dans un rayon de 60 km. Le tronc d'un homme,
lacéré à plusieurs endroits par un objet tranchant,
venait d'être découvert au fond d'un ravin en contrebas
de la route du Lancone, sur la commune d'Olmeta di Tuda.
Le lendemain, le 20 avril, au pied d’un arbre d’une
route de Balagne, les membres en partie calcinés de la
victime étaient cette fois retrouvés.
Quelques jours plus tard, le corps sans tête était
identifié grâce à une empreinte. Il avait désormais un
nom : José Carlos Vicente Garcia, 49 ans, natif de
Thionville (Moselle) et d’origine espagnole, s’inventait
des racines corses et un passé dans la marine nationale,
une fille dont l’âge fluctuait au gré des conversations
et de son alcoolémie, et des petites amies dont nul n’a
conservé le moindre souvenir. Ses proches, collection de
marginaux rencontrés dans des foyers d’accueil, lui
donnaient indifféremment du « José » ou du « Carlos »,
comme s’ils ne savaient pas vraiment comment l’appeler ;
et sa famille, dispersée entre la Moselle et le
Luxembourg, n’avait pratiquement plus de nouvelles de
lui depuis 1986.
Arrivé en Corse en 2011, serveur, cuisinier un peu
marginal, Garcia avait été hébergé quelque temps au
foyer social de Toga à Bastia. C’est dans cette
structure qu’il avait rencontré celui qui est désormais
accusé de l'avoir tué : Gérard Giorgetti, le gardien de
nuit du foyer. La victime était devenue son colocataire.
Très vite, les enquêteurs sont persuadés de tenir le
coupable en raison des nombreux éléments à charge
retrouvés. « Un véhicule qui a été utilisé par le mis en
examen comporte dans son coffre des traces du sang de
Monsieur Vicente Garcia », indiquait, le 26 avril 2016,
Jean-Philippe Reiland, Commandant section de recherches
gendarmerie. Un an presque jour pour jour, le crâne de
la victime était découvert dans un jardin situé sur le
cordon lagunaire de la Marana, près d’un bungalow, lieu
d'habitation de l'accusé et de la victime…
Le suspect, Gérard Giorgetti, un homme de 53 ans
originaire de Marseille, installé en Corse depuis 4 ans,
est un marginal. Il nie les faits qui lui sont reprochés
mais il a un passé judiciaire très lourd : il a été
condamné à 9 reprises dont une condamnation à 11 ans de
réclusion criminelle pour "tentative de meurtre" dans
les Bouches-du-Rhône et une seconde à 12 ans de
réclusion criminelle pour des "violences ayant entraîné
la mort sans la donner" en Haute-Garonne. C’est lui qui
hébergeait Garcia dans son bungalow de la Marana.
En janvier 2019 Gérard Giorgetti comparaît devant les
Assises de la Haute Corse.
La première journée a été consacrée à la personnalité de
l'homme et à son passé qui ne parle pas vraiment en sa
faveur, même si Gérard Giorgetti, de son fort accent
marseillais, continue de clamer son innocence.
Usurpation d'identité, braquage, violences ayant
entraîné le meurtre sur une femme qu'il hébergeait...
C'est une partie des 9 condamnations qui émaillent son
casier judiciaire.
9 condamnations, et une bonne partie de sa vie passée
derrière les barreaux.
Gérard Giorgetti a quitté l'école après la sixième, et a
basculé très tôt dans la délinquance.
Il le reconnaît, mais, régulièrement, il a martelé que
tout cela était de l'histoire ancienne.
"C'était au siècle dernier, j'ai acquitté ma dette à la
société. Maintenant, je voudrais que l'on me parle du
meurtre de mon ami".
Son "ami", José Vincente Garcia, retrouvé mort et
démembré en 2016.
Gérard Giorgetti le répète. La violence, la marginalité,
la délinquance, c'était avant.
Selon lui, tout aurait changé après son retour à Bastia
en 2012.
Soucieux de se réinsérer, il va rejoindre l'association
A Fratellanza, qui vient en aide aux déshérités. Il sera
d'abord bénéficiaire de la structure, avant d'en devenir
bénévole, puis veilleur de nuit.
Jean-Claude Vignoli, qui en était alors président, et
qui a été appelé à la barre, raconte : "J'ai le souvenir
de quelqu'un de serviable, de gentil. Certains ont vu
une part d'ombre en lui, mais pas moi.
Peut-être n'ai-je pas fait preuve de discernement, mais
j'ai rencontré quelqu'un d'extrêmement sympathique, de
spontané, et quand on s'est rencontrés pour la première
fois, le courant est très vite passé entre nous".
La part d'ombre, d'autres se sont attachés à en faire
état, lors de cette première journée.
Les rapports d'experts font état d'un homme antisocial,
intolérant aux frustrations, peu accessible à l'empathie
et manipulateur.
Maître Jérôme Tiberi, avocat de la partie civile, le
rappelle :
"Aujourd'hui, nous avons entendu un psychologue et un
psychiatre, qui ont le même constat. Monsieur Giorgetti
utilise son auditoire, il modifie ses versions en
fonction de ce dernier. Il a clairement un côté
manipulateur et centré sur lui-même".
Gérard Giorgetti a été reconnu coupable du meurtre de
José Carlos Vincente Garcia, le 16 avril 2016. La cour
d'assises de la Haute-Corse l'a condamné à la réclusion
criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté.
Au vu du passé pénal, a dit le président de la cour
(l'homme est en double récidive) et de la dangerosité
forte pour la société de Gérard Giorgetti, c'est la
peine maximale qui a été prononcée. La perpétuité
assortie d'une peine de sûreté de 22 ans.
"C'est ce à quoi on s’attendait au vu des faits et c'est
un grand soulagement pour la famille qui a été entendue
et qui a pu enfin s'exprimer", a réagi Me Jérôme Tiberi,
l'avocat des parties civiles. "Ce n'était pas évident
pour la famille de la victime de supporter ce qu'elle à
vu et entendu a l'époque des faits. A présent, elle est
soulagée".
La peine est conforme aux réquisitions de l'avocate
générale qui a insisté sur l'horreur du crime : 23 coups
de couteaux, frénétiques selon le légiste, un corps
démembré, décapité, congelé puis jeté dans la nature.
La victime
: Jose Vicente Garcia ne s’est pas défendu selon les
constations faite sur le corps. Alcoolisé, présentant
des chocs à la tête, elle était peut-être ou a été très
vite inconsciente. Pour l’avocat des parties civiles,
c’est la barbarie du crime qui apparaît dans
l’autopsie.
Elle a insisté aussi sur les traits de personnalité de
Gérard Giorgetti, décrit par les psychiatres comme
antisocial, intolérant à la frustration, manipulateur,
violent et incapable d'autocritique... autant de traits
de caractère incurables ont précisé les experts.
Du côté de la défense, on ne cache pas sa déception bien
que l'on s'attendait à une peine ne relevant pas de la
demi-mesure. Déception, alors que l'avocate avait plaidé
acquittement.
Après ce verdict, la famille de la victime est soulagée
même si nombre de leurs questions restent sans réponse.
Gérard Giorgetti a nié jusqu'au bout son implication. Il
n'a rien livré d'autre que des explications
rocambolesques et confuses. |