A l'été 2011
en Corse, Fabrice Vial est inexplicablement assassiné.
L'homme qui a bâti une immense fortune en développant
l'entreprise de menuiserie familiale, a pris quelques
jours de vacances, sans imaginer qu'on l'observe dans le
viseur d'un fusil.
Une balle qui fait éclater une coupe de champagne dans
la nuit claire du golfe de Porto-Vecchio. Un homme en
chemise blanche qui s'écroule sur le pont d'un luxueux
yacht de 37 mètres, le Team Vip, où il va rendre son
dernier souffle. La scène pourrait être sortie tout
droit d'un James Bond. C'est pourtant de cette façon
qu'est mort, à l'été 2011, le roi de la menuiserie
industrielle, Fabrice Vial, fortune discrète de la
finance française et internationale...
Dans la nuit du 12 au 13 août 2011, ce samedi, aux
alentours de 1h00 du matin, sous la lune qui éclaire le
golfe de Porto-Vecchio en Corse, Fabrice Vial est
installé sur le pont arrière de son yacht. Il a invité à
dîner l'avocat toulonnais Thierry Fradet, accompagné de
sa fiancée. L'entrepreneur, divorcé, a également convié
une jeune femme de 23 ans, Camille V., rencontrée
quelques heures auparavant dans une discothèque branchée
de Porto Vecchio « le Via Notte ». Le dîner s'est achevé
juste après minuit. Le couple Fradet est parti à l'avant
du yacht, les huit membres d'équipage, dont un chef
cuisinier, sont devenus invisibles. Fabrice Vial est en
tête-à-tête avec Camille, quand soudain l'homme
s'effondre.
Fabrice Vial, 43 ans, vient d'être assassiné d'une seule
balle qui a frappé son cœur. Le légiste assure que Vial
est mort de façon quasi-instantanée. L'expertise
balistique indique que la balle à haute vitesse, a été
tirée à une distance approximative de 100 ou 120 mètres.
Le tireur se trouvait sur l'eau. La balle est
introuvable. Elle est tombée à l'eau. Les enquêteurs
évoquent un tir exceptionnel, l'œuvre d'un sniper
professionnel. Aucun tireur d'élite ne parviendra à
toucher la cible de la même façon lors des
reconstitutions.
11 ans après, le sniper est toujours non-identifié.
Fabrice Vial, classé 146ème fortune de France en 2006,
a gagné beaucoup d'argent en reprenant la menuiserie
familiale de la Seyne-sur-Mer, près de Toulon, pour la
transformer en une société internationale performante
introduite en Bourse : 1.500 employés, 3 usines et 69
magasins. Qui pouvait en vouloir à ce patron inconnu de
la justice ?
L'enquête va tenter de remonter le fil de cet assassinat
hors norme qui a l'allure d'un contrat mafieux. Des
recherches vont arpenter les multiples vies de la
victime. Les défis d'un homme d'affaires ambitieux, ou
encore les secrets de son existence intime et privée. 11
ans après les faits, les enquêteurs cherchent toujours à
savoir qui est l'homme, tapi dans l'obscurité, qui a
pressé sur la détente. A quels ordres ce tireur a-t-il
obéi ?
Pourtant le tueur était forcément bien renseigné. Le
départ en Corse du PDG avait été improvisé deux jours
plus tôt. Soulagé, après une audience prometteuse devant
le tribunal de commerce de Toulon, Fabrice Vial, en
difficulté financière avec son groupe, avait décidé de
s'offrir quelques jours de détente : la mer, le bateau,
la fête, les femmes, ses passions.
« Pour tuer Fabrice, il fallait d'abord savoir qu'il
était en Corse, ensuite qu'il était en mer et enfin
connaître très bien les lieux », relève Me Jean-Pierre
Darmon. L'avocat des parents de la victime est persuadé
que quelqu'un a donné, cette nuit-là, le top départ de
l'opération.
Les douze personnes à bord du bateau, parmi lesquelles
huit membres d'équipage et Me Thierry Fradet, l'avocat
du PDG, embarqué pour l'occasion, avec une amie, ont été
criblés de questions, leurs téléphones disséqués et
eux-mêmes mis sous surveillance. Mais sans aucun
résultat. Contacté, Me Thierry Fradet, n'a pas donné
suite à nos sollicitations.
Si le tireur reste inconnu, la personnalité de la
victime, discrète, également, est difficile à cerner.
"C'était quelqu'un de très jovial mais il était surtout
secret, révèle Maître Jean-Pierre Darmon, avocat de la
famille Vial. On ne connaissait pas grand-chose de sa
vie privée et de ses affaires. On ne pouvait imaginer
qu'il soit menacé (...) On a appris par le personnel
que, quelques mois avant d'être assassiné, Fabrice avait
déserté l'entreprise, il se sentait menacé, il n'allait
plus au bureau".
Peu d'éléments donc pour déceler la vérité. Pourtant,
Maître Darmon garde espoir. "Ce dossier n'est pas fermé.
Si quelqu'un vient à parler ou est piégé par une écoute,
le dossier pourra être rouvert (...) On ne peut pas
exclure que quelqu'un se mette à parler. Si Fabrice a
été tué, c'est qu'il y a eu une raison", conclut-il.
L'enquête a permis d'établir que le (ou les) meurtriers
devaient se tenir dans une petite embarcation mouillée à
une centaine de mètres du yacht, tous feux éteints. Sans
doute, un pilote et un tireur, qui a appuyé sur la
détente en position debout. La petite amie du PDG évoque
deux silhouettes sur un bateau, et une petite lumière
laser rouge. Un coup digne d'un sniper, du travail de
professionnel. Élément tangible : un zodiac incendié a
été retrouvé non loin de là quelques heures après
l'assassinat. Mais là encore sans aucun élément
exploitable.
Les gendarmes ont passé au tamis la personnalité
complexe et à multiples facettes du PDG, exploré les
difficultés financières de son groupe et les
investissements à l'étranger. Ce qui les a conduits tour
à tour en Amérique du Sud et en Afrique, où Vial avait
des intérêts dans les casinos de jeux proches de la
voyoucratie corse.
Des investigations approfondies ont également été menées
dans le Var et les Bouches-du-Rhône, au sujet d'une
vente de restaurant pour le compte d'une maîtresse
proche du grand banditisme.
Mais, ni la piste du cœur, ni celle de l'argent n'ont
abouti. Même l'ex-épouse de l'homme d'affaires, devenue
PDG du groupe avant qu'il ne soit vendu, a fait l'objet
d'une surveillance particulière. En vain. « Je suis
convaincu qu'un jour nous connaîtrons la vérité, affirme
Me Jean-Pierre Darmon. En Corse, certains savent et,
parfois, les jeux d'alliance entre voyous sont plus
forts que l'omerta. »
Sur l'île, une rumeur insistante évoque un litige
financier entre Fabrice Vial et une figure du grand
banditisme corse, proche de la Brise de mer, un gang
criminel célèbre de Bastia (Haute-Corse). Un caïd qui
aurait pu commanditer le meurtre de l'homme d'affaires.
Le nom de ce voyou, aujourd'hui incarcéré, a été
découvert dans le téléphone portable de Vial. Autre
élément troublant, un document reliant les deux hommes a
été retrouvé, en juin 2011, lors d'une perquisition
effectuée chez la sœur de ce voyou par les policiers de
l'Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO).
La même rumeur avance comme possible tueur le nom d'un
homme de main du banditisme insulaire, originaire de
Porto-Vecchio (Corse du Sud) et proche de la Brise de
mer. Or, à son domicile, les hommes de la Brigade de
recherche et d'intervention (BRI) de la police
judiciaire parisienne avaient découvert fortuitement, en
janvier 2013, un véritable arsenal dont un fusil avec un
silencieux et une lunette de tir de précision.
Exactement le type d'arme utilisé par le meurtrier de
Vial.
Depuis, le voyou a été condamné et se trouve toujours en
prison. Mais aucun rapprochement n'a jamais été fait
avec l'affaire Vial, sans doute en raison d'un manque de
transparence entre service de police et gendarmerie.
Neuf ans après le meurtre de Fabrice Vial sur son yacht,
l’identité du tireur reste un mystère. Qui a tiré en
pleine nuit, à bord d’un bateau, la balle qui a tué ce
riche chef d’entreprise le 12 août 2011 ? Entre
industriels chinois, trafic de drogue et grand
banditisme corse, l’enquête a exploré plusieurs pistes,
sans obtenir de réponse.
Mis en sommeil depuis 2008 à la suite de la décision du
juge d’instruction de prononcer un non-lieu, le dossier
reste suspendu à de nouvelles révélations, des
indiscrétions qui permettraient de participer à la
manifestation de la vérité. A briser l’omerta.
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