Selon l'histoire, Ajaccio aurait été fondée par les génois en 1492.
Pourtant, les traces les plus anciennes de l’occupation humaine sur le
territoire remontent au Néolithique moyen (IVème millénaire av.
J.C.) et de nombreux sites ont été référencés sur les hauteurs de la
ville actuelle, dont la Punta di a Finosa, la
Punta di Lisa et la Punta San Simeone.
Les découvertes archéologiques récentes ont permis d'obtenir de
nouvelles connaissances sur l'évolution urbaine de la cité et l'on sait
aujourd'hui que c'est à partir du IIème siècle qu'une ville romaine que
l'on appelait Urnicum commence à se développer entre
l'actuel oratoire de Sainte Lucie et la colline de
Castel-Vecchio au lieu dit "les
vignes de Saint-Jean". Des vestiges archéologiques, comme le sarcophage du bon pasteur
découvert à l'emplacement de l'usine Alban en 1938, en témoignent.
LA NAISSANCE DE LA CITE GENOISE ET LA CITADELLE
Les origines de la fondation de la place forte
génoise de Castel Lombardo (Castel Vecchio) se situent aux
environs de 1272.
En 1453, la Corse est placée sous la domination de
l'Office de Saint-Georges qui décide en 1486 que la
cité insalubre située au fond du golfe sur le territoire de San
Giovanni, dévastée par les invasions barbares et ravagée par le
paludisme, sera abandonnée pour un endroit plus sain et plus facile à
défendre. L'ingénieur chargé de tracer le plan de la nouvelle cité,
Paolo Mortara, s'adjoint pour diriger les travaux un Corse
nommé
Alfonso d'Ornano.
Le 30 avril 1492 à l'extrémité du
promontoire de Capo di Bollo à l'emplacement appelé par les
Génois Punta ou Cavo della Leccia et
par les Corses Capo Bollaferro, la banque de Saint Georges fait poser
la première pierre de ce château fort qu'on
appellera U castellu. On y envoya des colons
Liguriens et pendant longtemps le séjour n'en fut
toléré qu'à un petit nombre de Corses privilégiés.
Ce fut seulement en 1743 que disparurent entre les
Ajacciens les distinctions d'origine.
Dans l'enceinte même de la
citadelle, pour palier au manque d'eau, on construit
vers 1510 au moins quatre citernes. Dès 1502, on y
édifie la petite église Santa Croce
et deux moulins à vent (1565) qui vont permettre aux habitants
de la cité d'y apporter leur blé à moudre.
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A la fin du XVe siècle la nouvelle cité
baptisée Aiacciu s'étend à l'intérieur d'un triangle
délimité par la Piazza del diamante, la Piazza del
olmo et la
Citadella.
Considérée presque comme inexpugnable,
cette forteresse tombera pourtant facilement en 1553 dès
l'arrivée des troupes françaises commandées par Sampiero
qui livre aussitôt la ville aux atrocités et au pillage.
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C'est à cette époque que le
maréchal De Thermes, commandant militaire de
la place,
fera ceindre le château fort érigé par l'office génois de
Saint Georges, d'épaisses murailles avec des tours et des
bastion fortifiés : La tour Saint Charles, la tour de
l'horloge, la tour des Jésuites, la tour des boucheries, le
bastion du séminaire et celui du Diamant. En 1554, "A Citadella" est
agrandie et la petite église de Sainte croix qui ne servait plus
que de dépotoir à la garnison est détruite.
En septembre 1559, à la suite du traité de
Cateau-Cambresis, les génois récupèrent leur Citadelle qui n'a pas subi
de grosses modifications.
En 1562, la menace d'un retour de Sampiero avec
l'armée Turque, entraîne rapidement un renforcement de la protection
de la citadelle qui sera complètement isolée de la ville par
de larges fossés remplis en permanence d'eau de mer et qui serviront
pendant un temps, de fosse commune. Ces travaux, réalisés sous la
direction de Giovan Giacomo Palearo, dit "il Fratino",
nécessiteront entre 1564 et 1569, la destruction d'une quarantaine de
maisons et de deux églises.
Au milieu du u XVIème siècle, le village compte plus
de 700 habitants.
LE DÉVELOPPEMENT D'AJACCIO
Dès
son accession au pouvoir, Bonaparte charge Petrucci, ingénieur
en chef d'Ajaccio, d'en faire une ville nouvelle selon ses plans
et confie à Miot le soin d'en surveiller les travaux qui seront
financés en grande partie par la vente de biens communaux. Les
sommes ainsi récoltées seront affectées en priorité à
l'aménagement de la Piazza d'Olmo et des terrains récupérés par
la destruction des remparts voués à disparaître. Elle serviront
aussi à la création de la future place Bonaparte ainsi qu'à
l'édification de réservoirs et de fontaines.
En 1776, la citadelle connaît de nombreux
aménagements : on construit le pont
d'accès en pierre et en 1784, les fossés, où stagne une eau
de mer putride, sont asséchés par ordre de
l'administration Royale.
Dans la ville génoise qui se compose
alors
de 17 rues dans lesquelles s'alignent des maisons basse de
deux ou trois étages et de trois ou quatre pièces sans luxe
et sans confort, Ajaccio est à l'étroit. La plupart des
maisons sont rassemblées dans un espace restreint entouré
par des remparts entre la citadelle et la Piazza d'Olmo.
Alors, en 1768, pour accueillir la population qui s'accroît
rapidement certaines maisons sont surélevées. Cependant, le
manque de place demeure.
A l'extérieur, il y a U Borgu
qui s'est développé lentement depuis le XVIème siècle. Dans
la campagne environnante, quelques maisons ont été construites. Mais tous ces
paisani qui vivent en dehors des
murailles n'ont pas le droit de pénétrer dans la ville
fortifiée.
Pour toute cette population, le manque
d'eau, malgré quelques citernes qui récupèrent l'eau de
pluie, est toujours aussi cruellement présent.
C'est au cours de ce XVIIIème siècle
que l'on verra Ajaccio se développer sous l'impulsion du 1er
Consul :
En 1790 les vieux murs et les portes
de la ville sont démolis tandis que la citadelle est
démantelée.
En 1807, le captage des sources de
Canneto et de Favale situées sur le mont Pozzo di Borgo
permet de venir alimenter les citernes Negroni et
Saint-François ainsi que la nouvelles Funtana d'Agostu
(rue de l'assomption), celle de de Saint-Roch
(rue Fesch) et de Canneto (cours Napoléon).
La cité va se développer en suivant l'axe de 3 rues
principales : La strada del Duomo (rue
Forcioli Conti), la Strada del diamante (rue
Roi-de-Rome), la Strada diritta
(rue Bonaparte) qui se prolongera jusqu'au
quartier di
U Borgu (La rue Fesch).
De 1815 à1864, on procède à l'empierrage des
chaussées et à la dénomination des rues et des traverses qui seront
souvent rebaptisées au gré des courants politiques. On aménage des
trottoirs, des bouches d'égouts et des puisards pour récupérer les eaux
de pluie afin de les utiliser pour l'arrosage des jardins. Des orangers
et des palmiers sont plantés en remplacement des vieux ormeaux de la
piazza d'Olmo qui sera rebaptisée bien plus tard la place des Palmiers.
On procède à l'ouverture d'une voie vers la
grotte (le grand cours - aujourd'hui le cours
Grandval), à l'adduction des
eaux de Lisa (l'eau arrive à Ajaccio le 01 janvier 1812),
à l'aménagement du quai de la calata (en bordure de la place du
marché), à l'aménagement du Cours Sainte Lucie (u stradone,
futur cours Napoléon) depuis la caserne Saint-François
jusqu'au fortin des génois, à l'agrandissement de la piazza di u
diamante. Les terrains situés entre la jetée et le boulevard du
Roi Jérome ainsi que les marais des Salines sont asséchés et assainis.
Des constructions commencent timidement à voir le
jour le long du bord de mer. Au premier recensement de 1770, Ajaccio
compte 3900 habitants. En 1786, d'après le plan Terrier, il y a environ
4700 habitants.
Pour être à la hauteur de son statut de chef-lieu
du département, Ajaccio se pare de monuments et d'édifices prestigieux :
une préfecture (1838), un hôtel de ville (1836), un théatre (1830), le
palais Fesch (1837), le cimetière du Canniccio (1840), un hospice pour
les pauvres-l'hospice Eugénie (1842), un nouveau Lazaret (1844), l'école normale de garçons (1854) et l'école
normale de filles (1864)...
Dès 1863, à l'initiative de Felix Bacciochi
d'abord puis de Thomasina Campbell ensuite, Ajaccio commence à s'équiper
d'établissements destinés à accueillir les touristes qui seront de plus
en plus nombreux à y séjourner.
Mais le problème de l'alimentation en eau reste
toujours préoccupant malgré le captage des nouvelles sources (Annunzia,
Lisa) et la création de nouvelles fontaines pour alimenter les nouveaux
quartiers : Fontaine du col d'Aspretto à la sortie d'Ajaccio, fontaine
des Calanques sur la route des Sanguinaires. En 1878, après 18 ans de
travaux, les eaux de la Gravona
arrivent à Ajaccio depuis Peri par un
canal long de 18.776 mètres. Sur ce parcours, 27 fontaines sont créées.
Désormais, la ville peu s'équiper de bains publics, de lavoirs et de
latrines.
En 1883, le port de commerce commence à s'équiper
de phares et de balises.
A la fin du XIX siècle la population
Ajaccienne est de Vingt mille habitants.
Ajaccio aux deux visages.
Dans les années 1880, jamais la ville n'a été autant divisée
entre riches et pauvres. De nombreuses oeuvres caritatives vont
se céer : la société charitable de Notre-Dame de la miséricorde
qui s'occupe de l'asile des vieillards et des mendiants, les
fourneaux économiques (les resto du coeur avant l'heure) qui
distribuent des repas gratuits aux plus déshérités.
Tandis que le tout Ajaccio pavoise
dans les salons et étale son aisance dans les manifestations
officielles qui se déroulent dans les grands hôtels de luxe,
dans les quartiers populaires où traînent enfants et mendiants,
on tente de survivre à sa misère. Des familles entières vivent dans le
dénuement le plus total et font la queue devant les "fourneaux
économiques", l'hospice n'en peut plus recevoir de malades
et la mortalité infantile ne cesse de croître.
AJACCIO EN CE TEMPS LA
Étriquée derrière ses murailles, Ajaccio
étouffe. Au delà de la Piazza del Olmo (aujourd'hui place Foch)
il n'y a que le jardin Négroni et des exploitations agricoles. Et puis, brusquement la ville prend son
essor avec un quartier neuf qui s'étale vers Saint Lucie : U
Borgu. Les maisons sont basses, certaines, rares, aux dimensions
imposantes, appartiennent aux notables.
On est surpris par le nombre des édifices
religieux pour une cité qui ne compte que 3000 habitants; mais
il faut bien enterrer les morts quelque part... car les morts
sont nombreux en ce temps là... et on meurt jeune. Une famille
de 11 enfants espère raisonnablement que 5 survivront (de
préférence des garçons car les filles sont mises de côté et
exclues de la succession du patrimoine).
La jeunesse est parcourue à pas de géant
et l'homme est un vieillard à 50 ans (quand il atteint cet âge !).
Le mariage, parfois à quatorze ans pour les filles, est bien
souvent une obligation, une raison sociale. La naissance d'un
enfant bâtard, est une excommunication irréversible et c'est
pourquoi, le nombre d'enfants trouvés est à cette époque aussi
élevé, même en Corse où les jeunes filles étaient réputées pour
être des modèles de vertu.
La misère, l'illettrisme, maintiennent les
gens du petit peuple (il popolare) sous la férule des
notables (i citadini).
Les Corses, dont le patronyme est
naissant (ils ont, pour la plupart, emprunté le nom de leur
village : les Alata, les Tavera, les Bocognano, les Carbuccia, ou
un surnom lié à leur profession: les Fornari, les marinari,
ou encore un sobriquet : Bellacoccia, Ballalo, Porcu, Scalzo,
sciancu), s'opposent aux Génois qui sont arrivés avec leur
identité déjà bien établie :
les Peraldi, les Baciocchi, les Bonaparte, les
Pozzo-di-Borgo, les Benielli, les Forcioli, les Cunéo, les
Cataneo, les Levie, les Conti, ces notables fortunés (i
magnifici anziani). Des familles qui gouvernent Ajaccio et
qui, quoique divisées en apparence par leurs opinions, demeurent
constamment unies par des intérêts communs. Rien ne se fait que
par elles et pour elles en dépit de l'autorité... une
aristocratie de personnes qui, en solitaires agissent en Ladri
mais se montrent vertueuses dès qu'il s'agit de paraître, et que
la révolution va placer aux premiers rangs du pouvoir économique
et administratif.
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