Bibliographie Livre d'or ***
 

 

 

LES BANDITS CORSES

BANDITI CORSI

 

Vous pouvez écouter sur cette page un extrait de la chanson "Les bandits d'honneur" interprétée par Antoine CIOSI

 

Après la conquête de la Corse par les Français en 1768, des lois spéciales sont édictées par le gouvernement du roi Louis XV et un tribunal portant le titre de Conseil supérieur devant siéger à Bastia est créé. Il est composé d'un premier et d'un second président, de dix conseillers, dont six gradués français et quatre naturels du pays, d'un procureur général, d'un avocat général, d'un substitut, d'un greffier, de deux huissiers et de deux secrétaires interprètes. Il est en même temps créé deux sièges de maréchaussée, dont l'un à Bastia et l'autre à Ajaccio, composés chacun d'un prévôt, d'un lieutenant, de deux assesseurs, d'un procureur du roi et d'un greffier. Les autres judicatures existantes dans l'île sont provisoirement confirmées.

Un second édit, également du mois de juin 1768 , règle tout ce qui est relatif aux délits et aux peines :

- 11 condamne à être brûlés vifs les coupables du crime de lèze-majesté au premier chef avec profanation des choses saintes.

- Il frappe d'une amende arbitraire les jureurs et blasphémateurs du nom de Dieu, de la sainte Vierge et des saints : la récidive est punie du carcan et autre plus grande peine, à l'arbitrage des juges.

- Il punit le sacrilège, joint à la superstition et à l'impiété, de la peine de mort.

- Il punit de mort toutes opérations de prétendue magie.

- Il punit d'amendes arbitraires l'inobservation des fêtes et dimanches.

- Le supplice de la roue est appliqué au crime de trahison envers le roi.

- L'assassinat est aussi puni du supplice de la roue. S'il est commis par vengeance de querelle de famille et haine transmise, la maison du coupable sera rasée, et sa postérité déclarée incapable de remplir jamais aucune l'onction publique.

- Le duel avec appel et rendez-vous est puni de mort.

- Le procès était fait au suicidé : son cadavre était brûlé et ses biens étaient confisqués.

- L'empoisonneur était brûlé vif.

- Les parricides étaient condamnés au feu ; leurs cendres jetées au vent, leur maison était rasée, et leurs enfants étaient tenus de prendre un autre nom.

- Peine de mort contre toute fille ou femme convaincue d'avoir Célé tant sa grossesse que son enfantement, et dont l'enfant se trouverait mort ayant été privé du baptême ; - peine de mort aussi contre l'avortement.

- Supplice de la roue pour les vols sur la grande route.

- Peine de mort contre le vol domestique et le vol avec effraction.

-Trois ans de galères contre les vagabonds et gens sans aveu, mendiants ou non mendiants.

- Peine du feu pour l'inceste en ligne directe, ainsi que celui du confesseur avec sa pénitente. Peine de mort contre celui du frère avec sa sœur, du beaupère avec sa belle-fille, du gendre avec sa belle-mère.

- L'adultère de la femme était puni de la prison pendant la vie du mari ; l'adultère du mari était frappé de telle peine qu'il appartiendrait, suivant l'exigence des cas.

- La mort pour la banqueroute frauduleuse ; la mort pour le faux commis par un fonctionnaire ; les galères perpétuelles pour les simples particuliers. La mort ou les galères pour le faux témoignage.

- La peine de mort consistait, pour les nobles, à avoir la tête tranchée ; pour les roturiers, à être pendus et étranglés.

- Il était permis aux juges, en prononçant la peine de mort, de faire appliquer les condamnés à la question, pour avoir révélation de leurs complices.

- Les condamnés aux galères perpétuelles étaient marqués des lettres G. A. L., et les condamnés temporaires, des lettres G. A. seulement.

- La confiscation des biens était la conséquence de la condamnation à mort.

 

Une ordonnance du roi, du 23 août 1769, vint ajouter à toutes les rigueurs de ce code vraiment draconien.

Cette ordonnance est ainsi conçue : « Voulant pourvoir au maintien du bon ordre et à la sûreté publique, S. M. a ordonné et ordonne que tous les Corses « qui seront trouvés portant sur eux des armes à feu, ou chez qui il s'en trouvera, quinze jours après la publication de l'ordonnance, soient punis de MORT SANS RÉMISSION ».

Cette ordonnance fut confirmée par une déclaration du roi, du 24 mars 1770, laquelle ajoutait : « Disons,déclarons et ordonnons que la même peine (la mort) soit prononcée contre les malfaiteurs connus dans cette île sous le nom de bandits ».

Le 24 juin suivant, M. le comte de Marbeuf, alors commandant en chef pour le roi en Corse, et, comme tel, investi de l'autorité absolue, trouvant que la justice ordinaire exige des formalités trop longues, déclara que, dans la marche qu'il allait faire contre les bandits, ceux qui seraient pris seraient pendus à l'heure même au premier arbre, sans aucune forme de procès.

Voilà comment le roi Louis XV faisait traiter ses nouveaux sujets.

 

Plusieurs hors-la-loi étant au maquis, le général de Vaux entreprit de les pourchasser.

Quelques mois après la révolution de 1789, pour que la justice soit rendue d'une façon plus populaire, un décret du 20 avril 1790, sanctionné par la loi du 24 avril 1791, institua le jury criminel. Le jury mis en place le 1er janvier 1792, comprenait neuf juges.

Peu confiant dans l'impartialité des juges populaires, suspendit par arrêté du 2 avril 1801, le jury dans les deux départements du Golo et du Liamone et institua une cour criminelle. le 25 mars 1801, il envoya en Corse Miot de Melito avec des pouvoirs extraordinaires. Celui-ci en abusa tellement qu'il fut rappelé à Paris le 23 octobre 1802 par décision de Napoléon, alors Premier Consul.

 

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Un rapport de gendarmerie du XIXème siècle donne du bandit la définition suivante: " C’est un homme qui répond à une sommation en prenant le maquis".

 Il est très rare que les gendarmes arrivent tout seuls à leur fins. Quand on dit qu'un bandit a été pris, c'est généralement parce qu'il a été trahi.

Quand on raconte qu'un bandit a été tué par les gendarmes, les gens haussent les épaules et rigolent en disant: " il a du être tué après sa mort ! " .

Quand un Corse a été insulté, ou pire, quand l'un des siens a été blessé ou tué, il donne à choisir à son ennemi entre "una palla calda ou un ferru freddu" (une balle chaude ou un fer froid).

Jadis, une croix sur une porte était considérée comme le signe d'une menace de mort.

Quand il a un ennemi déclaré le Corse doit choisir entre les trois S, Schioppo, Stileto, Strada (fusil, stilet, fuite). Généralement il prend les trois à la fois!.

Quand il entre en inimitié, le Corse lance à son adversaire: "Guardati, mi guardo !" (Garde-toi, je me garde). Dès cet instant la promesse de mort est déclarée, non seulement entre les deux hommes, mais aussi entre tous les membres des deux familles. Seuls, les vieillards, les femmes et les enfants ne participent pas à la vendetta, encore qu'on ait vu des femmes prendre les armes dans certaines circonstances. Ainsi, pour une insulte, une histoire de propriété ou de bornage, le secours à un ami, une histoire de femme... autant de raisons qui peuvent paraître comme autant de révoltes contre l'injustice, le Corse se met hors-la-loi et s'en va habiter le palais vert, refuge inextricable de tous les bandits.

 

Le bandit Corse est tour à tour, l’ami et l’ennemi d’une population qui le craint , l'admire ou le respecte. Alors que le gendarme est « l’étranger », le bandit « appartient »  à la communauté, même quand il est haï. Nourrir, loger, protéger un bandit, c'est s'assurer ses services. Le bandit d’honneur est opposé au bandit percepteur sans qu’il soit réellement possible de les classer respectivement dans telle ou telle catégorie. La littérature romantique s’est emparée du mythe du « bandit d’honneur ». La réalité est beaucoup plus cruelle et parfois plus sordide.

Le nombre de crimes commis en Corse est presque incroyable. On relève sur les registres de la république, en l'espace de trente deux ans (de 1683 à 1715) 28715 meurtres.

En 1588, on avait défendu les armes à feu mais on imagina de vendre des autorisations de port d'armes. Trois ans après cette interdiction, sept mille fusils circulaient en Corse et ceux qui étaient confisqués étaient aussitôt revendus. La même arme pouvait ainsi être revendu huit à dix fois au même individu. 

Entre 1818 et 1852, 4646 meurtres sont commis dans l’île, soit une moyenne annuelle de cent trente assassinats. Pour la seule période comprise entre 1821 et 1846, on dénombre 200 homicides en moyenne par an.

Réfugiés dans les montagnes, certains bandits assassinent en quasi toute impunité, terrorisent et rançonnent les populations des villages, parfois même les villes d'Ajaccio et Bastia. Si la vendetta représente à elle seule une partie de la violence en Corse, le statut de bandit permet à travers une violence individuelle de se procurer un argent facile. Les populations locales, en dépit de quelques sympathies, subissent ce tribut criminel et ne se trompent guère sur les ressorts qui animent ces hommes en les nommant : « I Percetori » (les percepteurs). La position de bandit est même une source d’influence dans la société insulaire où la justice a toujours été considérée comme inefficace ou insuffisante.

 

C'est la raison pour laquelle l'administration décide qu'il convient d'opposer aux bandits non plus une police continentale mais une force indigène. Le gouvernement décide de mettre sur pied un bataillon de voltigeurs corse fort de 400 hommes armés et devant exercer une fonction d'auxiliaires dans le maintien de l'ordre. Ce bataillon sera institué par une ordonnance royale du 23 décembre 1822.

Composé uniquement d’insulaires volontaires dont certains ont choisi de faire partie dans le but inavoué de régler leurs comptes en toute impunité, ce corps de voltigeurs se révèle plus redoutable que les gendarmes mais les excès qui s'ensuivent conduisent à sa dissolution en 1850 et il sera remplacé par la création d'un bataillon de gendarmes mobiles dans lequel choisissent de s'engager de nombreux voltigeurs.

Cependant, la lutte contre le banditisme s'intensifie. Les effectifs de la gendarmerie sont renforcés et réorganisés en 1851. Une loi du 10 juin1853 interdit le port d’armes à feu et d'armes blanches.

On estime que le département est passé de 148 bandits en 1852 à moins d'une dizaine en 1854. 

Mais au début des années 1920, le banditisme redevient actif dans l’île et brave les forces de l’ordre impuissantes.

A travers les reportages qui franchissent les frontières, les bandits deviennent même célèbres : Spada, Caviglioli, Bartoli, Romanetti.

Certains d’entre eux se tourneront vers « le gangstérisme » et exerceront leurs activités sur le continent.

 

 

 

Afin d’éradiquer définitivement cette menace, le gouvernement de Pierre Laval organise, largement commentée, amplifiée et déformée par les medias, une véritable expédition militaire. 

Le 8 novembre 1931 arrivent à Ajaccio a bord de deux navires mixtes, trois avisos et un avion de chasse, 6 compagnies de 90 gardes mobiles, un impressionnant matériel de guerre composé de deux tanks, dix auto mitrailleuses, vingt camions et des chiens policiers.

 

Dans de nombreux villages, comme Gagnu, La Punta, Vicu, Palneca, Guitera, Zicavu, les routes sont interdites à la circulation, le téléphone est coupé, le couvre feu est proclamé.

En peu de temps plus de 160 personnes, sont interpellées avec brutalité par les forces de l'ordre et incarcérées à la prison d'Ajaccio ou elles y resteront plus d'un mois sans être cependant interrogées.

 

En 1935, le dernier des bandits, Spada, sera guillotiné en public, place Saint Nicolas à Bastia.

Le macabre rituel du bourreau Deibler, plus communément appelé "u Boja", venant spécialement du continent avec ses bois de justice pour exécuter la sinistre besogne, prendra définitivement fin avec cette dernière exécution.

 

 

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Dernière mise à jour pour cette page : 19 septembre 2024