Le Conseil général de la Corse avait porté son attention
sur trois lignes qui présentaient un intérêt sérieux
pour le département de la Corse mais ces trois lignes,
qui formaient ensemble une longueur
approximative de 125 kilomètres, ne virent jamais le jour :
BASTIA / ROGLIANU (45 kms). A
lire :
ligne bastia-Rogliano. Rapport de délibération. Session
d'avril 1888.
FOLELLI / OREZZA (20 km).
A lire :
ligne-folelli-orezza. Rapport de délibération. Session
d'avril 1888.
AIACCIU / VICU (60 kms).
Le rapport de délibération d'avril 1888 précise à ce
sujet que : "les études ont été entreprises à la fin
de 1887 avec le crédit mis à notre disposition et nous
ont permis de nous rendre compte de l'ensemble des
dispositions à adopter. Notre rapport spécial indiquera
les résultats obtenus".
D'autres projets furent
également à l'étude :
OREZZA / PONTE-LECCIA (70 kms)
; AIACCIU / BONIFAZIU (160kms).
L'arrivée de l'électricité va même faire naître de
nombreux projets, parfois utopiques, de traction
électrique. En 1930, un projet de tramway électrique
entre Furiani, Cardo, la gare et le port de Toga est même
envisagé. Comme tous les autres, il sera abandonné car
l'automobile vient de faire son apparition sur les
routes de l'île.
En Mars 1870, l'état rend enfin
publique et définitive la construction du chemin de fer
de la Corse et le 7 décembre 1878, l'évêque d'Ajaccio, Mgr de La Faota procède à Aspretto à la bénédiction plutôt
symbolique des premiers travaux qui ne débuteront en
réalité qu'en février 1880 avec le percement des tunnels
de la Torreta (Bastia) et d'Aspretto (Ajaccio).
A l'occasion de cette cérémonie
inaugurale, le maire d'Ajaccio, Nicolas Peraldi,
organise une grande fête : représentation gratuite au
théâtre Saint-Gabriel, retraite au flambeau, feu
d'artifice suivi d'un grand banquet à l'hôtel de ville
et d'un bal populaire.
Les travaux débutent trois mois après l'inauguration par
le percement du Tunnel d'Aspretto. Quelques temps après
des problèmes d'ordre géologique, de venue d'eau dans
les galeries, un éboulement se produit, provoquant la
mort de cinq ouvriers Italiens. Plus tard, des tirs de
mines blessent grièvement plusieurs des trois cents
ouvriers du chantier.
Malgré aussi des problèmes judiciaires les travaux
avancent rapidement et le 04 juillet 1880, le percement
des 247 mètres du tunnel est terminé et les travaux de
ballastage peuvent commencer.
Les centaines de milliers de mètres cubes de rocher et
de tuf qui ont été extraits vont être déversés dans la
mer devant le mouillage des Cannes et devant
Sainte-Lucie où s'élèvera en 1888 la gare entièrement
construite sur une emprise artificielle de sept
hectares. En 1909, la voie ferrée est prolongée jusqu'à
l'appontement des navires. Ce service et les rails
seront supprimés en 1960.
A Bastia, plus de 450 ouvriers seront employés pour les
travaux de percement du tunnel de la Torretta qui
débutent en mai 1879 mais qui s'avèrent plus difficiles
que ceux d'Ajaccio car il faut creuser deux puits
verticaux pour l'accès et l'aération d'un tunnel long de
1422 mètres. En août 1880, un tir de mine ouvre une
énorme voie d'eau et provoque la mort par noyade de 7
mineurs. En mai 1882, les travaux de percement sont
terminés et complétés par un frontispice monumental qui
orne l'entrée nord du tunnel.
Le 2 mai 1883, alors que l'on est en train de poser la
clé de voûte de l'entrée, l'échafaudage s'écroule
faisant chuter les ouvriers de plus de cinq mètres. On
relève un mort et cinq blessés dont une femme qui venait
comme chaque jour apporter le repas à son époux.
Les déblais du tunnel sont jetés dans le lit du Fango
sur plus de 800 mètres afin d'aménager l'assise du
boulevard de la gare (actuel boulevard Sebastiani) et
sur ce qui deviendra plus tard la place Saint-Nicolas
dont l'espace est ainsi gagné en partie sur la mer.
Durant cette même année 1882, la ligne de la Balagne et
la section Casamozza-Ghisonaccia sur la côte orientale
sont déclarées d'utilité publique.
Afin d'éviter au train de franchir le col de Vizzavona
(1161 mètres d'altitude), les ponts-&-Chaussées décident de
percer un tunnel à 906 mètres d'altitude. La décision est
prise le 26 avril 1880.
Cet ouvrage reste le plus
extraordinaire du réseau de part sa longueur et ses
caractéristiques rectilignes. Les travaux de percement
du tunnel de Vizzavona débutent au début de l'été 1880
et consistent dans un premier temps à percer une galerie
de deux mètres de diamètres grâce à deux perforatrices
modernes employées de part et d'autre du tunnel, ainsi
que quatre puits verticaux, et dans un deuxième temps à
élargir ces galeries, les maçonner et enfin ballaster et
poser la voie. Malheureusement, après deux années le
percement de la galerie est suspendu à cause d'une
source de plus de 65 m3/heure de débit qui apparue à
1700 m de la tête nord du tunnel, inondant sur plus de
600 m le front nord du tunnel et causant la mort par
noyade de trois ouvriers. Afin d'éviter un long travail
de pompage, les travaux de percement reprennent du
côté sud du tunnel (le tunnel étant en pente de 20%,
l'eau n'aura plus qu'à s'écouler vers la Gravona). Une
fois l'eau évacuée, il restait encore six années de
travaux afin de terminer l'ouvrage d'art de 3916 mètres
de long.
Entre 1881 et 1883, quatre
autres ouvriers périront et douze seront sérieusement
blessés par des éboulements.
|
A lire :
9 octobre 1898, le ministre fait une halte en gare de Vizzavona.
(Extrait du journal Le Gaulois). |
Une quinzaine d'année durant, de 1879 à 1894, la Corse
va vivre au rythme du plus grand chantier qu'elle ait
jamais connu.
Environ 20.000 ouvriers, de préférence qualifiés, recrutés pour la
plupart en Italie, représentent tous les corps de
métiers, travaillent sur les différentes portions du
réseau et vivent sur place, souvent dans des conditions
souvent précaires.
Au final, les 230 km du parcours qui compte
43 tunnels (13185m au total),
76 ponts (4085 mètres) et viaducs,
57 gares et haltes,
75 maisonnettes cantonnières,
50 hangars à marchandises,
12 bâtiments de maintenance et d'entretien du
matériel roulant,
50 kilomètres de murs de soutènement
et 400 kilomètres de lignes télégraphiques
pour assurer la sécurité de la circulation, ont représenté un véritable défi pour les ingénieurs de
l’époque.
A ces travaux il a fallu ajouter le captage des sources
et la pose des tuyaux destinés à l'alimentation des
locomotives par châteaux d'eau et grues hydrauliques
interposées, les ponts tournants pour permettre au
locomotives de repartir en sens inverse, les ponts
bascule, et ce qui concourt directement à la pose de la
voie : ballastage, rails de 8 mètres, traverses, signaux
lumineux, lignes téléphoniques pour relier gares et
passages à nivaux entre eux et enfin clôtures tout le
long de la voie ferrée.
La premier portion du trajet
Bastia-Corte est ouverte le 1er février 1888. La liaison
Bastia-Ghisonaccia est achevée le 17 juin. Le 1er
décembre le tronçon Ajaccio-Bocognano est ouvert.
Alors que la ligne de Bocognano
à Vivario était ouverte depuis le 14 juillet 1889, les
travaux du pont du vecchio ne débutèrent que le dernier
trimestre 1890.
Ce viaduc était d'une dimension
telle (94 mètres de haut, 140 mètres de long et 4 mètres
de large) qu'il fallut un architecte assez
avant-gardiste pour le construire. Un certain Gustave
Eiffel (dont l'épouse est corse) fut choisi, celui-là
même qui construira quelques années plus tard le célèbre
monument de la capitale. Pour ce faire, l'architecte
choisi une architecture mixte composée de deux piliers
en pierre de 80 mètres reposant dans le lit du torrent
et trois travées métalliques (La travée en partie
centrale mesure 52 mètres et les travées latérales
mesurent chacune 44 mètres).
Les travaux de ce chantier,
véritable ouvrage d'art, se terminèrent le 1er
octobre 1892 avec un mois d'avance sur le délai imposé
et coûtèrent 400.000 francs.
La section Vivario-Vizzavona
ouvrit donc le 9 octobre suivant.
La ligne Bastia-Corte fut enfin achevée et livrée à l'exploitation le 01
février 1888.
La ligne Corte-Ajaccio
a été achevée le 03
décembre 1894.
La première section de la ligne Casamozza-Bonifacio (Camozza-Tallone,
d'une longueur de 47 km) a été livré à l'exploitation à
partir du 1" février 1888.
Les travaux du tronçon Pont-Leccia-Calvi (dans le
premier projet le train devait desservir Belgodère,
Aregno et Palasca) débutèrent en 1886; mais sur cette
ligne de la Balagne, ils ne furent pas aussi facile en
raison d'un relief accidenté. Effectivement, il fallut
dans un premier temps substituer un tunnel de 40 mètres
à la tranchée initialement prévue, du fait de la
friabilité de la roche. La pose de voie, limitée à
Palasca fut terminée pour l'automne 1888, mais
malheureusement, à la suite de pluies torrentielles qui
s’abattirent sur la région, le 17 février 1889, la
galerie du Tunnel de Conculi (entre Palasca et Novella)
s'effondra sur toute sa longueur. Il fallut en
construire un autre plus profondément sous la montagne.
La section Ponte-Leccia-Palasca est ouverte le 10
janvier 1889 et la section Palasca-Calvi n'est ouverte
que le 15 novembre 1890, avec un retard de plus d'un an.
Fait troublant, le 09 juin 1890, veille de
l’inauguration du tronçon de Palasca à Calvi, M.
Détroit, ingénieur des chemins de fer
départementaux, qui en avait dirigé les travaux, est
retrouvé pendu dans sa chambre d’hôtel à Île-Rousse.
Cependant, en raison de la guerre, il faudra attendre
encore 42 ans pour voir le tronçon Ghisonaccia-Solenzara
ouvrir le 15 septembre 1930 et attendre encore cinq ans
pour voir le tronçon Solenzara-Porto-Vecchio terminé le
21 septembre 1935.
Bonifacio, prévue, ne vit jamais arriver aucun train
bien que les acquisitions foncières aient été effectuées
sur les 40 kilomètres restants.
En 1943, la ligne de la côte orientale est détruite par
l'armée allemande et ne sera jamais reconstruite.
Sur ce tronçon, aujourd'hui, de nombreuses haltes et
gares ferroviaires sont devenus des propriétés
privées, des portions de voies ont été goudronnées et
servent de chemins vicinaux. Quand aux 320 kilomètres de
rails qui constituaient la voies ferrée, ils ont été
dérobés de nuit et transportés ailleurs par bateau pour
être sans doute de nouveau utilisés.
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A lire : La ligne oubliée.
(https://adecec.net/parutions/pdf/le-chemin-de-fer-de-la-plaine-orientale-corse.pdf) |
Après la guerre une autre bataille pour la sauvegarde du
petit train de Corse va commencer.
Trinighellu est en sursis depuis la fermeture du
tronçon Casamozza-Folelli en 1953. Périodiquement les
Corses sont en alerte et une nouvelle fois, ils
s'émeuvent en ce mois de novembre 1959 lorsque Robert
Buron, ministre des transports déclare qu'un autocar et
cinq camions doivent suffire pour assurer le trafic de
l'île; ce qui, il faut bien en convenir, est hélas en
partie vrai puisque l'économie est moribonde et que les
voyageurs qui utilisent le train pour se déplacer sont
rares. Le service public est menacé et le journal
Le petit bastiais
écrit que cette déclaration du ministre est plus qu'un
crime, c'est une faute.
L'état déclare qu'une fois le réseau routier remis en
état, il sera procédé au démentiellement et à
l'aliénation de de toutes les installations mobilières
et immobilières du réseau ferroviaire. Partout en Corse
des protestations s'élèvent et la colère monte. Le 24
novembre François Giacobbi interpelle violemment le
gouvernement et l'assemblée départementale suspend ses
travaux en signe de protestation. Le 08 décembre une
grève générale largement suivie, paralyse l'île. En vain
! Au début de l'année suivante, le 07 janvier le préfet fait savoir que l'état ne
reviendra pas sur sa décision. L'épreuve de force est
engagée ! De nouveau mots d'ordre de grève auxquels vont
s'associer les Corse de la diaspora sont
lancés. Le 11 mars, tous les syndicats ouvriers, les
fonctionnaires et le socio-professionnels se mobilisent
... à l'exception du syndicat des transporteurs
routiers. C'est en fait la première opération
Isula morta comme on en verra bien d'autres
encore. Des milliers de manifestants défilent dans les
rues. De partout, des messages de solidarité affluent.
Le gouvernement est ébranlé.
En 1962, les Corses sont de nouveau abasourdis par les
déclarations du maire d'Ajaccio Antoine Serafini qui se
déclare ouvertement favorable à la suppression du chemin
de fer. Il est suivi en cela par le député UNR
Samarcelli et par le maire de Bastia Jacques Faggianelli.
En 1965, la crise rebondit. Outre la menace de
disparition du chemin de fer, on proteste également
contre la fermeture de la mine de Canari et contre la
suppression des lycées de Corte et de Sartène. Les
décisions de l'état sont perçues comme autant de
provocations après l'annonce du licenciement de 80
employés des chemins de fer et déclanchent de nouvelles
grèves qui sont massivement suivies le 26 mai et le 09
juin.
Malgré quelques concessions accordées par l'Etat, en
1971, l'avenir du chemin de fer est toujours incertain.
Le 12 janvier 1972, à l'appel des syndicats et des
partis de gauche, la population de toutes les ville
défile dans la rue, des heurts violents se produisent.
Une nouvelle fois, le peuple Corse montre sa
détermination. Devant le maintien de la pression
revendicative le gouvernement recule. Il prend
l'engagement d'effectuer à sa charge la modernisation du
réseau et l'achat du matériel. En 1974, la Corse reçoit
son premier autorail flambant neuf et les nouveaux
ateliers de Casamozza sont inaugurés en 1978. Le
principe du service public à prévalu et trinighellu
est bel et bien sauvé à la satisfaction de toute une
population qui depuis le début en avait fait un symbole.
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Voir d'autres photos du petit train de Corse. |