HISTOIRE DE LA CORSE

LES GIOVANNALI

 

Vous pouvez écouter sur cette page un extrait de la chanson "Un'isula cusi" interprétée par FELÌ

   

 

Vers 1350, un mouvement politico-religieux que l'on dit probablement issu d'une secte d'origine Cathare voit le jour : Les Giovannali. D'où vient leur nom ? Sont-ils les fervents adeptes de Jean l'Evangéliste ou ont-ils tout simplement pris le nom de l'église où ils se réunissaient et consacrée à Saint Jean ?. Pourquoi le village de Carbini et l'église San Quilico  ont-ils été entièrement rasés alors que toute proche, l'église de San Giovanni Battista et son clocher sont demeurés intacts ?. Pourquoi les survivants du massacre ont-ils cherché refuge en particulier à Ghisoni et Alésani ?.

 

L'histoire des Giovannali reste une des pages les plus sombres et des plus troubles de l'histoire de la Corse.

Bien décidée à chasser le Paganisme, la République de Pise entreprit en Corse, entre le Xème et le XIIème siècle, la construction de plus de 3000 édifices religieux. Dans une époque tourmentée par les guerres, les pillages et l'hégémonie de bon nombre de petits seigneurs féodaux qui faisaient régner la terreur et l'oppression dans toutes les pièvi, l'île eut à subir en 1348, le terrible fléau de la peste noire qui dessima une grande partie de sa population. Frappé par le malheur, se sentant abandonné, le peuple se réfugiera dans la foi.

C'est dans ce contexte que sera fondé l'ordre des Franciscains et que seront construits de nombreux couvents.

Issue de cet ordre, la confrérie des Giovannali, fondée dans le village de Carbini en 1352, est d'abord composée en majorité de femmes et compte une centaine de membres; mais très vite le mouvement, dirigé par le frère Franciscain Giovanni Martini, prend de l'ampleur en ralliant  des adeptes à travers une marche triomphale au centre et au nord de l'île. Au couvent d'Alesani qu'ils investissent par la force, un moine, le frère Vitali, de Bonicardo, qui tente de s'opposer au Giovannali, est tué (l'église en fera un martyr et il sera béatifié).

 

 

Après cet épisode, les Giovannali s'établissent non loin de là dans une tour fortifiée dite tour des Giovannali.

A Carbini, dans leur église de San-Giovanni, ils prêchent l'égalité des hommes et des femmes, la charité, le partage des terres et des biens. Les Giovannali s'imposent des pénitences et des actes de mortification. Ils prônent l'humilité, la simplicité, la pauvreté et la non-violence. Ayant renoncé au sacrement du mariage, pronant l'amour universel, vivant en communauté et partageant tout, ils forgèrent ainsi leur réputation de débauchés et de fornicateurs. Leur révolte contre le pouvoir de l'église les amènera à ne plus reverser à l'Evêché d'ALERIA l’impôt que chaque Pievan devait prélever auprès de la population administrée.

Excommuniés par l'évêque du diocèse d'Aléria qui les qualifie d'hérétiques en invoquant leurs "pratiques" et leur opposition au régime, ils sont cependant une première fois "absous" en 1354 par l'archevêque de Pise mais devant les protestations de l'archevêque d'Aléria, ils sont à nouveau définitivement excommuniés par le Pape Innocent VI qui envoie dans l'île entre 1372 et 1395, des inquisiteurs chargés par la papauté d'Avignon d'envoyer au bûcher ces pauvres hérétiques.

 Les écrits fantaisistes concernant les Giovannali sont nombreux et les prétendues "orgies" auxquelles ils se livraient ne sont que des accusations banales, communes à tous les mouvements qui pouvaient mettre en danger la politique menée par le régime en place et que l'on qualifiait trop souvent de "sectes secrètes." Bien entendu, tous les registres de l’Inquisition détenus à Pise ne font mention que des faits les plus graves qui "nuisaient" au Christianisme. Tout ce qui pouvait servir la cause des Giovannali a été volontairement détruit ou passé sous silence. Les documents écrits sont fort rares lorsque l’on veut retrouver autre chose que des accusations.

 

 

En 1362, le Pape Urbain V maintient les accusations contre les "hérétiques" et organise contre eux et avec l'aide des despotes les plus puissants de l'île, une véritable croisade dans la région de Carbini, à Ghisoni et en Castagniccia en vue de les exterminer. Les Givannali, femmes et enfants compris, sont poursuivis, massacrés ou brûlés les armes à la main et les quelques survivants s'enfuient trouver refuge en Castagniccia et élèvent sur un éperon rocheux au confluent de l'Alisgiani et de son affluent le Bussu, une tour dite de Bonicadu. A Nuvale existe encore la "tour de Calzarettu" qui a servi, selon la tradition orale, à préserver la vie de quelques hérétiques.

Délogés de leurs refuges, traqués, les derniers survivants empruntent alors les sentiers qui conduisent au col de Portellu, mais là, vaincus par un relief difficile, ils se font tailler en pièces. Pas tous, car des rescapés refluent au hameau de Sorbellu à Tarranu où ils subissent l'assaut final de la croisade. La trace de leur passage a disparu car le hameau de Sorbellu est aujourd'hui ruiné, mais au hameau voisin de Pughjale une tour, "A tora di I Giovannali" était encore debout il n'y a pas si longtemps.

 

 

On peut se demander pourquoi au XIVème siècle, les rescapés du massacre de Carbini choisissent la région de l'Alisgiani pour échapper à l'inquisition Papale. Sans doute à cause des courants religieux qui existaient entre le couvent d'Alisgiani et le village de Carbini. Tous deux dépendaient en effet du diocèse d'Aléria.

A noter que le couvent d'Alésani dont il est fait mention ci-dessus n'est pas celui que l'on connaît aujourd'hui. Les écrits des historiens du XIVème siècle le situent non loin de Piazzali. C'est le fameux couvent Franciscain de San-Francescu d'Alisgiani.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Dernière mise à jour pour cette page : 24 septembre 2024