Originaire de Casamaccioli dans le
Niolo, Jean CASANOVA, dont le surnom "CAPPA" est dû au capuchon dont il est toujours
recouvert, est devenu bandit pour avoir tué quatre
bergers qui l'avaient dénoncé calomnieusement comme ayant commis un
vol.
Depuis lors, il a été prouvé qu'il
était en effet innocent du vol. Cependant, les assassinats
restent acquis et l'on cherche à s'emparer de lui mais
c’est chose difficile car Cappa, s'est réfugié dans le
Niolo, au sein des plus âpres montagnes de la Corse, où
vivent seulement les aigles et les mouflons. Aussi, tous les
efforts pour le capturer ont été infructueux.
Bandit solitaire, Cappa mendie sa
nourriture et sa boisson. Il renonce volontairement au
tabac et à l'alcool qui sont des plaisirs superflus qui
risqueraient de le détourner des sentiers de l'honneur.
Le 12 novembre 1894, excités par
l’idée de la récompense promise, trois gendarmes
décident de l’arrêter. Ils s’allient donc avec des
bergers qui promettent de le livrer contre récompense et désignent un
endroit où Cappa doit passer. Au jour dit, les gendarmes
qui sont en embuscade aperçoivent un homme descendant la
montagne mais avant qu'ils puissent l'approcher, les
bergers eux mêmes tirent et l'individu tombe. De près,
le mort ressemble assez peu au bandit. Il s'agit en fait
d'un pauvre pèlerin italien qui passait par là. Les
gendarmes s'aperçoivent de leur méprise. Se rendant
compte de ce crime inexcusable, ils vont, avec la
complicité des bandits, empêcher l'identification de la
victime en la brûlant sur place. * (1)
Le bruit de la mort de Cappa se
répand aussitôt. Le capitaine de gendarmerie, dans un
rapport, s'en attribue tout l'honneur. Les récompenses
promises vont être distribuées quand, tout à coup,
arrivent trois lettres : une au procureur général, une
au préfet, une autre à "Messieurs de la presse
» ; elles sont signées par Cappa et légalisées par le
maire d'une commune du Niolo.
La lettre de CAPPA
Casamaccioli, le 15 novembre 1894.
Monsieur le directeur,
Je lis dans votre journal du 14 novembre courant que Casanova
(Jean) dit Cappa, qui gardait la campagne depuis dix
ans, aurait été détruit par plusieurs brigades de
gendarmerie dirigées par M. le capitaine Vinciguerra,
dans la forêt de Vizzavona, lundi 12 de ce mois.
C'est là une fausse nouvelle en ce qui regarde Casanova (Jean)
dit Cappa. — Mon frère se porte très bien, et je vous
prie de démentir la nouvelle de sa mort. — D'ailleurs,
mon frère n'a jamais porté ses pas du côté de Vizzavona
ou autres localités avoisinantes ; si réellement il y a
eu mort d'homme, on se trouve en présence de la
destruction d'un individu qui n’est peut être
vraisemblablement qu'un vagabond se faisant passer pour
mon frère afin d'exploiter la crédulité publique. Mon
frère est un-bandit, il est vrai, mais un bandit
honnête, qui n'a jamais fait tort qu'à ses ennemis, et
qui n'a jamais molesté ses amis pour un morceau de pain ...
En attendant, etc.
CASANOVA (Toussaint)
Vu par nous, maire de Casamaccioli, pour légalisation de la
signature ci-dessus apposée du sieur Casanova
(Toussaint), de notre commune
Le maire,
J. SANTINI.
Cappa aurait pu profiter de son « décès » pour reprendre place
dans une vie régulière mais il repoussait hautement ce
moyen de quitter le maquis, se déclarait vivant et prêt
à continuer encore son rôle de gibier humain. Cela ne
manque pas de crânerie et peint bien le bandit corse
lorsqu'il n'est encore qu'un héros de vendetta.
Les gendarmes voyaient ainsi s'écrouler leur rêve. Au lieu
de la récompense attendue, le capitaine fut mis en
disponibilité, le brigadier fut cassé et les deux
gendarmes furent envoyés en Afrique.
Un an plus
tard, le 24 août 1895, la brigade de Calacuccia, sous le
commandement du maréchal des logis Ristori, parvenait
enfin à cerner, sur la montagne Punta-Artica (2327m)
dans le Massif du Rotondo, le fameux Casanova (Jean),
dit « Cappa » qui un an auparavant démentait sa mort
annoncée.
Il était 5
heures du matin. Cappa, venant de la montagne, s'était
dirigé vers des bergeries et entrait dans celle de ses
parents.
Le maréchal
dés logis, qui l'avait aperçu, fit garder toutes les
issues par ses hommes ; le bandit, toujours en éveil,
eut sans doute vent de la chose, car il sortit
précipitamment de la cabane où il s'était réfugié, son
fusil sur le bras.
Arrivé a 80
mètres environ d'un point où se trouvaient embusqués
trois gendarmes, il fit feu sur eux, puis, tournant
vivement sur lui même, il prit là fuite.
Ces trois
gendarmes se dispersèrent alors pour s'abriter derrière
des pierres, et commencèrent à ouvrir le feu sur Cappa,
qui tomba, mais pour se relever aussitôt, et aller se
cacher également derrière une pierre, d'où, faisant face
aux gendarmes, il tira sur eux un second coup de fusil
dont la balle passa sous les pieds du gendarme
Petrignani.
Le bandit,
acculé, prit de nouveau la fuite, et alla se cacher
derrière une autre pierre, sur laquelle le gendarme
Jaubert avait osé monter pour tirer; mais le maréchal
des logis qui voyait le danger, prescrivit à ce dernier
de se retirer, et il était temps, car le criminel
lâchait son troisième, coup de fusil dans sa direction.
Cappa, ne se
sentant plus en sûreté, quitta sa position pour aller se
placer à quelques mètres plus loin entre deux rochers
d'où il tira un quatrième coup de feu sur deux gendarmes
qui se trouvaient à plus de 200 mètres sur son flanc
gauche.
Le maréchal
des logis qui suivait ses mouvements se plaça derrière
une grosse pierre à une vingtaine de mètres de lui;
celui-ci, qui était assis, déchargea encore son arme.
C'est alors que le chef de brigade, qui ne pouvait faire
usage de sa carabine sans se montrer, plaça le canon de
son revolver sur la pierre qui l'abritait et fit feu
cinq fois sur le bandit qui cette fois s'allongea en
laissant tomber son arme ; il n'avait pas reçu moins de
quatre coups de carabine et un coup de revolver.
Ainsi mourut
Cappa qui avait gardé le maquis pendant 10 ans.
* (1)
- Jugement de la cour d'Assise de Bastia pour le meurtre
d'un mendiant en novembre 1894.
La cour d'assises de la Corse, siégeant à Bastia, après
trois journées d'audience a condamné à la peine de mort
le nommé Bonelli Théodore, de Bocognano, âgé de 30 ans,
neveu des bandits Bellacoscia.
En novembre 1894,
Bonelli, avec la complicité avec son cousin Ferrucci
Antoine, âgé de 17 ans, avait tué, puis carbonisé un
mendiant du nom de Joseph Murati, et cela dans le but de
gagner une prime en faisant passer la victime pour le
bandit Cappa.
Ferrucci a été condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Le gendarme Tasso, accusé de complicité, a été acquitté. |