Bibliographie Livre d'or ***
 

 

 

LES BANDITS CORSES

Saverio ROCCHINI (1864-1888)

 

Vous pouvez écouter sur cette page un extrait de la chanson "Les bandits d'honneur" interprétée par Antoine CIOSI

 

Xavier Rocchini est né à Muratello, près de Porto-Vecchio, en 1864. C'est un paisible fils de laboureur qui a appris à lire et à écrire et que rien ne prédispose au crime.

Au mois de septembre 1882, deux chiens appartenant à la famille Tafani, qui habite Pacciulella, hameau de la commune de Porto-vecchio, avaient été tués, et Rocchini Jean-François, père de Jean-Baptiste, fut tué, et à leur tour ces derniers et leur famille imputèrent le fait à Simon Tafani. A la différence des Tafani qui n’avaient point porté plainte, ils saisirent le parquet de Sartène qui ne put, faute de preuves suffisantes, donner suite à leur réclamation. L’offre d’une indemnité faite par le père de Simon fut d’ailleurs repoussée, et l’attitude des Rocchini ne permit point de douter de leur ressentiment. Dès cette époque, Jean François Rocchini et ses deux fils Jean-Baptiste et Xavier, qui n’avaient eu jusque-là qu’un fusil, furent armés tous les trois.

C'est ainsi que la querelle entre les Rocchini et les Tafani, une famille voisine autrefois alliée, marque le début d'une spirale criminelle. A l'âge de 19 ans. Xavier Rocchini est devenu bandit à cause de la mort d'un chien, celui des Tafani.

A l'aube du 11 octobre 1882, le corps de Giovan-Francesco Rocchini, soupçonné d'être l'auteur de ce crime, est retrouvé percé de deux balles tirées à bout portant, au lieu dit Pacialella, près du lit asséché d'un ancien ruisseau. Le cadavre est déjà saisi par le froid lorsque les gendarmes le découvrent.

La rumeur désigne les Tafani comme étant les auteurs de ce meurtre. Les Rocchini en appellent vainement à la justice légale avant d'être à leur tour accusés.

En représailles, le 09 septembre 1883, les gendarmes de Porto-Vecchio découvrent le corps de Simon Tafani, 19 ans, tué presque à bout portant de deux balles dans la région abdominale.

Et c'est ainsi que Xavier Rocchini, âgé lui aussi de 19 ans, devient bandit à cause d'un vieux proverbe : " Chi tomba u cane, tomba l'omu". (Qui tue le chien, tue le maître).

Son frère Jean-Baptiste, le rejoindra au maquis deux ans plus tard.

 

Puis les meurtres s'enchaînent. C'est une haine inextinguible contre l'ennemi des Rocchini, la ferme volonté d'exterminer cette race des Tafani, et d'assurer au père, aux frères, à tous ces Rocchini tombés dans des embuscades, le doux sommeil des morts qu'on a vengés.

Protégé par quelques membres de sa famille et les amis qui lui fournissent vivres et munitions, l'hiver, Rocchini parcoure les plaines, se risque aux abords des villages, couche dans des grottes, reçoit quelquefois l'hospitalité d'un brave paysan lorsque au cours de ses longues errances il lui arrive de rencontrer les gendarmes.

Le soir de Noël, deux mois et demi après le meurtre de Simon Tafani, Rocchini tombe su un campement de charbonniers. Il trouve auprès d'eux une certaine stabilité en participant pendant un an aux labeur d'une vie communautaire ; mais à la fin de l'année 1883, sa rencontre avec le bandit Pietro Giovanni va de nouveau le faire basculer dans le crime.

 

Dans la nuit du 29 au 30 mars 1885, en compagnie de Giovanni, Xavier Rocchini va tuer pour la deuxième fois de sa vie en assassinant sauvagement deux vieillards, les frères Vincensini pour les dépouiller de leurs économies.

Le 04 janvier 1886, Xavier Rocchini va commettre le plus horrible crime de sa triste carrière de Bandit en abattant  froidement à bout portant d'un coup de fusil dans le ventre Jeannette Milanini, sa propre cousine, une jeune bergère de 15 ans qui se refusait à lui. Voici les faits tel qu'il furent entendus par la cour d'assise de Bastia et rapportés dans le journal Le petit Parisien du 07 septembre 1888 :

"A la belle saison, Rocchini grimpait dans la montagne à l'air frais, tantôt ici et tantôt la, ne s'attardant jamais plus d'une nuit au même endroit. Un jour, au hasard de sa marche vagabonde, il rencontra une jeune fille, une enfant de seize ans, qui faisait brouter ses chèvres. Elle était, ont dit les témoins, jolie et douce, avec des cheveux blonds tombant sur ses yeux noirs et, dans sa petite tête d'oiseau, une fermeté inébranlable, la mâle résolution d'un homme dans un corps tout frêle de gamine.

Le bandit la vit, l'aima, et, de ce jour, dédaigneux de toute prudence, bravant les gendarmes qui allaient découvrir sa retraite et qui finiraient bien par l'atteindre, il ne quitta plus la montagne, suivant la jeune fille pas à pas, rôdant autour de sa cabane, la guettant à tous les sentiers, lui déclarant son amour dont elle ne voulait pas, lui adressant des prières qui l’irritaient et des menaces qui la faisaient rire... Autour d'elle, cependant, on s'inquiétait.

Jeannette ne voulait rien entendre et continuait à conduire ses chèvres, toute seule, dans les ravins perdus.

Un jour, cependant, elle rentra à la maison un peu pâle. Le bandit s’était une fois encore présenté à elle. Il lui avait parlé, il lui avait dit: « Songes-y bien! si tu ne veux pas être à moi, je te tuerai! ».

L'enfant était sans famille, n'ayant pour se défendre que sa mère, déjà vieille, presque infirme ; elle lui dit sa rencontre avec le bandit, et doucement, avec son sang-froid de petite femme elle ajouta : "Mariez-moi, ma mère, s'il me poursuit encore, j'aurai quelqu'un pour me détendre, et s'il me tue, j'aurai quelqu'un pour me venger".

Et la pauvre vieille mère, toute tremblante, descendit à Porto-Vecchio chercher un mari pour sa fille.

Le bruit se répandit bientôt dans la montagne que Jeannette allait épouser un forgeron du pays, un gars solide, qui saurait bien la garder des bandits. Quelques jours après, Rocchini reparut devant elle. Il lui posa cette question : Es-tu décidée ?

Il avait, dit l'acte d'accusation, les yeux hors de la tète, le visage en feu, la voix sifflante; mais Jeannette n'avait pas peur, et c'est de son même air résolu qu'elle répondit :

- Je suis décidée

- Tu ne veux pas être à moi?

- Jamais! je coucherai plutôt au tombeau qu'auprès de vous.

Alors, le bandit recula de quelques pas et, armant son fusil :

- C'est bien, dit-il, tu vas mourir !

- Ah ! tu aurais ce courage ?

Rocchini, pour toute réponse, épaula ; par deux, fois il fit feu. La petite "Ghju" tomba tout de son long sur l'herbe rouge, et comme elle respirait encore, comme la vie se cramponnait à ce joli corps si jeune, la bandit s'approcha d'elle et, d'un coup de pistolet dans l'oreille, il l'acheva".

 

Cette année de 1886, veille de la Toussaint, on découvre dans la région de Porto-Vecchio, le corps d'un cultivateur fusillé à bout portant dans le ventre, le visage écrasé à coup de pierre.

Vers la fin de l'année 1886, Rocchini fait partie de la bande de Pietro Nicolai dit Barritone qui écume alors la région de Bonifacio. Ce bandit de 51 ans connu des autorités judiciaires depuis le début des années 60 pour vols et homicides. En quelques semaines, les meurtres s'enchaînent ; on compte déjà six morts dans le sillage de Barritone et Rocchini.

Le 08 juin 1887 c'est l'assassinat du gendarme Arcençon ; le 12 février 1888, l'assassinat des frères Carducci. Ces bandits règnent sur la région, en répandant terreurs et menaces, tuant froidement et se moquant de l'autorité.

 

La justice ne parviendra jamais à établir avec certitude le déroulement précis des évènements qui dans la nuit du 1er au 2 juin 1886 avaient coûté la vie au gendarme Lavigne, failli emporter celle de Xavier Rocchini que l'on crut quelques temps mort, conduisirent à l'arrestation de son frère Jean-Baptiste, à son transfert à la prison Sainte Claire de Bastia et entraînèrent la destruction de Pietro Giovanni le 16 novembre 1899.

 

Craint et haï, Xavier Rocchini sera finalement arrêté par la gendarmerie, à la suite d'une dénonciation, dans une buvette de Cauro le 09 septembre 1887. Il assistait impassible à une partie de cartes entre quatre joueurs. Il opposa une légère résistance aux gendarmes, mais en présence de l'attitude du brigadier qui lui avait appliqué le canon de son revolver sur la nuque, il se laissa ligoter avec les menottes et conduire à la salle de sûreté.
Il fut trouvé porteur d'un stylet, qu'il gardait hors de sa gaine dans la manche de sa veste.

Rocchini était à Cauro depuis l'avant-veille, il devait se rendre chez un de ses parents à Tolla. On prétend que l'indication de sa présence à Cauro serait due à un de ses parents.

Le lendemain de son arrestation, il fut transféré à la maison d'arrêt d'Ajaccio. Il y resta jusqu'au 22 septembre, date à laquelle il fut transféré à Sartène, où devait se faire l'instruction des différents crimes, dont il était accusé. Pendant les dix jours qu'il passa à Ajaccio, il fut tranquille; il avait l'air de ne pas se rendre un compte exact de sa situation. L'instruction fut longue; elle dura huit mois.

Le 9 mars 1888, Barritone, le complice de Rocchini est est arrêté à Levie dans une cabane de berger où il se cache depuis la capture de son ami. Conduit à la prison de Sartène sous bonne escorte, il y restera jusqu'à son procès en Cour d'Assises qui se tiendra à Bastia  le 6 juin 1888.

Le 6 juin de l'année 1888, Rocchini et son compagnon Nicolai, dit Barritone (31 ans) qui font l'objet de 6 instructions différentes, sont traduits devant la Cour d'assises de la Corse. Barritone est condamné aux travaux forcés à perpétuité et Rocchini est enfermé dans la cellule des condamnés à mort, les entraves aux pieds. Agé seulement de 24 ans, celui que l'on surnommait désormais l'Animale avait tenu le maquis pendant quatre ans.

Après sa condamnation à la peine capitale, Rocchini reste à la maison d'arrêt de Bastia, jusqu'au 28 août, date à laquelle il est embarqué à bord de l'Olinde Rodrigues qui accoste dans le port d'Ajaccio après plus de 24 heures passées à longer les côtes de la Corse en remontant le Cap-Corse, contournant l'île de la Giraglia et logeant la côte occidentale. le 29 août 1888, Rocchini est écroué à la maison d'arrêt d'Ajaccio et aussitôt revêtu d'une camisole de force.

Dans la nuit du 3 au 4 septembre vers 3 heures 30, Rocchini est embarqué sur un petit vapeur le Progrès, appartenant aux frères Lanzi, à destination de Propriano où il arrive à 8 heures. Une diligence attend au haut du quai. Le condamné débarque à 9 heures précises ; il marche très alertement entre les gendarmes jusqu'à la voiture qui s'ébranle aussitôt, au milieu d'une foule immense mais silencieuse. Des gendarmes à cheval l'escortent au grand trot.
Vers onze heures et demie du matin, la voiture arrive au grand galop dans la rue principale de Sartène, et de là se dirige vers la caserne de gendarmerie. Le condamné demande au brigadier Peretti, qui se trouvait à ses côtés : "pourquoi toutes ces troupes, pourquoi ces gendarmes ?", "C'est le 111"° de ligne, lui répondit-on, qui permute avec le 112ème et les gendarmes passent une grande revue". Rocchini paraît rassuré ; il monte très alertement, les trois étages conduisant à la Chambre de sûreté. On lui sert aussitôt à déjeuner ; il mange de très bon appétit et fume une pipe.

Vers cinq heures du soir le fourgon de Deibler arrive ; la foule qu'on peut évaluer à deux mille personnes court au devant. Elle accompagne Deibler et ses aides escortés par un fort piquet de gendarmes jusqu'à l'Hôtel de France, et elle se retire tranquillement après avoir contenté sa curiosité. La place Porta, toutes les rues de Sartène sont pleines de monde, les cafés regorgent de consommateurs.
 

Le 4 septembre 1888 à deux heures du matin, le bourreau  et ses aides procèdent au milieu d'un silence glacial au montage de l'échafaud sur la place Porta à Sartène. Malgré l'heure matinale, plus de 2000 personnes sont présentes pour assister à l'exécution officiée par le célèbre bourreau Louis Deibler (*) venu spécialement de Paris.

En raison des menaces proférées cotre lui : "Monsieur l'assassin patenté, vous pouvez y aller à Sartène, mais, per Cristu !, vous n'en reviendrez pas vivant ... Signé : un parent de Rocchini ", l'exécuteur, arrivé incognito à Ajaccio avec ses deux aides, a été placé sous haute protection et ne quitte pas le navire durant son séjour. La berline transportant les bois de justice  a été ensuite embarquée à bord du navire Le Bocognano à destination de Propriano et a bénéficie jusqu'à Sartène des mêmes protection que l'on a prises pour Rocchini.

Leur besogne terminée, Deibler et ses aides quitteront précipitamment la Corse.

 

Annonce de l'exécution de Rocchini parue dans l'édition du petit parisien le 03 septembre 1888.

 

L'exécution de Rocchini (Récit du Docteur Adolphe Kocher).

 

Lors de l'arrestation de Xavier Rocchini, on n'a plus exécuté de bandits en Corse depuis trente ans.

Son procès, présenté initialement devant le tribunal de Sartène pour l'instruction du dossier, va se dérouler à Bastia où le bandit sera jugé et condamné à mort. Selon la procédure, mais aussi pour l'exemple, la sentence devra être exécutée en place publique. Pour éviter le long trajet, au demeurant très risqué, de Bastia à Sartène, le condamné est acheminé par bateau, en compagnie d'un transport de troupes, à Ajaccio d'abord, puis vers Propriano ensuite par une embarcation de la compagnie Lanzi spécialement affrétée pour cette mission. De Propriano à Sartène, en plus des brigades de gendarmerie locale, la troupe de ligne du 111ème régiment à été requise et disposée tout au long du parcours.

 

Voici, racontés par Le petit parisien dans son édition du 07 septembre 1888, tous les détails de cette exécution :

Rocchini a été exécuté hier matin sur la place Porta, à Sartène.

Il était depuis la veille enfermé à la caserne de gendarmerie. Quatre gendarmes le gardaient.

L'abbé Moneglia, aumônier de la prison, était venu le voir et, sans l'avertir du sort qui l'attendait, lui avait demandé s'il voulait s'entretenir avec lui quelques instants.

- On va donc me couper le cou ?! s'écria Rocchini avec terreur et en pleurant.

L'abbé Moneglia le calma du mieux qu'il put en lui disant que rien n'était encore certain.

 

Le condamné demanda alors à l'aumônier de recevoir sa confession.

A quatre heures, le docteur militaire Kocher se rendit à la caserne do gendarmerie pour voir Rocchini. Celui-ci dormait encore. Il avait passé la nuit à fumer, causant avec les gendarmes des crimes qu'il avait commis ; il les avoua tous, excepté celui d'avoir participé à l'assassinat d'un gendarme nommé Arcençon, en ajoutant : "Que la sentence qui me frappe soit exécutée ce matin si je mens ". L'aumônier Moneglia arriva à quatre heures et quart. Rocchini, qui venait de s'éveiller, se leva en sursaut en le voyant; le prêtre l'exhorta au repentir et Rocchini se mit à genoux.

A quatre heures cinquante, tous les magistrat suivis du greffier, se rendirent à la prison.

Le Procureur général dit à Rocchini : " Vous avez été condamné à mort à Bastia ; la Cour de Cassation a rejeté votre pourvoi ; le Président de la République a refusé de vous faire grâce ; la Justice suivra son cours ce matin ". Rocchini, pâle, fut pris d'un tremblement. " Ayez du courage ! ", lui dit le Procureur-général.

Puis ce magistrat lui demanda s'il avait des révélations à faire.

Rocchini répondit affirmativement et resta seul avec le Procureur-général.

Interrogé, il avoua les crimes qui ont motivé sa condamnation, nia encore avoir participé à l'assassinat du gendarme Arcençon et reconnut sa complicité dans le meurtre des frères Cartucci.

Son attitude était suppliante ; il implora grâce, les mains jointes, et demanda qu'on adressât un télégramme au Président de la République. A cinq heures et quart, un bruit se fit entendre dans le couloir ; le bourreau arrivait.

Rocchini demanda de nouveau au Procureur de télégraphier à M. Carnot et exprima le désir de rester un instant seul avec l'aumônier, ce qui lui fut accordé ; il pria et se résigna à son sort.

A cinq heures vingt minutes, il livra ses mains à l’exécuteur et à ses aides, qui lui ligotèrent les bras le long du corps et entaillèrent largement le col de sa chemise.

A cinq heures et demie, le condamné fut mis dans le fourgon.

Des gendarmes à cheval précédaient et suivaient le convoi.

 

Le condamné est arrivé sur la place Porta dans une attitude humble, mais courageuse ; en descendant de voiture, ses jambes pliaient. Il s'est mis à genoux et a demandé pardon à Dieu et à la société. L'aumônier lui a donné son crucifix à baiser.

Les premières lueurs du jour éclairaient la guillotine.

Des femmes qui étaient venues assister à l'exécution poussèrent quelques cris en voyant le condamné marcher au supplice.

A cinq heures trente-cinq minutes, Rocchini avait vécu. 

L'exécution a été opérée avec une certaine lenteur.

Le supplicié a eu sur la planche de fortes contractions nerveuses.

Plusieurs personnes sanglotaient et criaient : « Grâce ».

La tête, prise dans le baquet par un des aides du bourreau, lui a échappé des mains et est tombée à terre.

Une foule énorme stationnait sur la place, dans les rues, aux fenêtres, sur les terrasses, et même sur le clocher de 1’église.

Aucun incident ne s'est produit.

 

Dans les groupes, on s'entretenait de l'exécution et l'avis général était que la décapitation de Rocchini aurait certainement pour conséquence d'arrêter plus d'une main criminelle.

Le cadavre du supplicié a été transporté au cimetière sur une charrette.

Le docteur Kocher, assisté des médecins Casabianca et Feretti, a procédé un examen de la tête et a constaté que la section avait été nette et partait du ras du menton au niveau de la dernière vertèbre ; les yeux étaient largement dilatés.

Il parait que la mère de Rocchini a réclamé le corps de son fils.

A sept heures, l'échafaud était démonté et replacé dans un fourgon.

Le bourreau et ses aides sont aussitôt partis pour Propriano, escortés par un piquet de soldats et par la gendarmerie. Ils s'embarqueront aujourd'hui pour Marseille.

 

 

(*) LOUIS, ANTOINE, STANISLAS DEIBLER

Descendant d'une antique lignée allemande de bourreaux de père en fils, Louis Anoine Stanislas Deibler (1823-1904), jeune homme robuste mais boiteux, a très tôt commencé à assister son père Josef Anton Deubler (1789-1874). 

Louis Deibler est le père d'Anatole (1863-1939) qui le rejoindra en 1890 et qui, à sa mort, deviendra son successeur (Anatole Deibler sera notamment l'exécuteur de Spada).

Louis Deibler ne s'enthousiasmait pas à l'idée de se rendre en Corse pour y trancher le cou du bandit Rocchini. D'abord parce qu'il devait financer lui-même (c'était la règle) un déplacement coûteux. Ensuite, parce que sitôt arrivé à Marseille pour y embarquer "LOUISON", le surnom donné à sa guillotine, il reçoit un billet anonyme lui promettant la mort s'il met un pied en Corse.

Protestations, négociations : on lui permet finalement de rejoindre Sartène depuis Bastia par voie de mer pour échapper à une traversée par les routes de Corse jugée trop dangereuse. Sa surprise sera considérable en arrivant à Sartène sous une escorte de plusieurs dizaine de gendarmes : Venue de toute la région une foule nombreuse qui ne lui montre aucune hostilité, se presse pour assister à l'exécution. Un apéritif de bienvenue lui est même offert pour l'occasion.

Deibler ne s'attardera pas pour autant. Sitôt Rocchini guillotiné, il prendra la direction du port de Propriano, à l'abri de son "fourgon" et quittera la Corse quelques heures plus tard.

En 1897, un incident se produit : la maladresse d'un aide fait que Louis est aspergé de sang en plein visage. Dès l'exécution suivante, Louis Deibler demande de l'eau pour nettoyer le sang dont il est recouvert. Cette fois, il s'agit d'une hallucination. Louis Deibler vient de subir sa première crise d'hématophobie et celles-ci deviendront de plus en plus fréquentes. De plus en plus mal à l'aise, croyant voir du sang partout, il bascule lentement dans la folie. Le 28 décembre 1898, il remet sa démission, qui est acceptée. Il sera néanmoins forcé d'aller décapiter Joseph Vacher à Bourg-en-Bresse le 31 décembre 1898.

Installé chez son fils Anatole, devenu son successeur, il meurt d'un cancer de la gorge le 6 septembre 1904. Il est inhumé au cimetière de Boulogne.

Louis, Antoine, Stanislas Deibler comptait à sa mort quelques 360 exécutions capitales.

Trente et un an plus tard, le 21 juin 1935 à quatre heures, le dernier condamné à mort exécuté en public dans l'île fut André Spada. Le bourreau qui officiait ce jour là se nommait Anatole Deibler. C'était le fils de Louis Deibler.

 

 

 

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Dernière mise à jour pour cette page : 23 octobre 2024