Il se nomme Giuseppo ANTONMARCHI
mais on le surnomme Gallochio (le petit coq)
sans doute à cause de sa voix enrouée qui tend vers les aigus.
Né, on ne sait exactement, entre 1800 et 1802, il est l'aîné
d'une famille de six enfants (quatre garçons et deux
filles). Sur les conseils du curé du village qui a vu en
Giuseppe un enfant doué, son père décide de lui faire
poursuivre ses études au séminaire d'Ajaccio.
Giuseppe à 16 ans.
Régulièrement, il retourne dans son
village d'Ampriani où il lui arrive de service la
messe.
Le petit abbé, qui n'a
pas encore été ordonné prêtre, attire sur
lui les regards des filles du pays et très
vite, le sien croise celui de la belle Maria-Grazia-Luisa Vincensini qui vient
tout juste d'avoir 15 ans et qui habite
le village de Casevecchie (à l'époque, sur
les communes de Noceta et de
Rospigliani).
L'amour faisant le
reste, le brave
garçon perdant sa foi et sa vocation religieuse, tombe
très vite amoureux. Il range sa soutane et fait promettre à Marie-Louise
qui l'aime aussi mais qui hélas est déjà
promise -mais qu'importe-
qu'elle deviendra sa femme. On procède donc à la
cérémonie de l'abraccio et la date
du mariage est fixée pour la fin
novembre.
Mais, c'est sans
compter sur la détermination de Rosetta,
la mère de Maria-Louisa, qui a décidé d'un
meilleur parti pour sa fille et qui est
prête à tout pour se débarrasser de ce
prétendant qu'elle juge indésirable et
surtout pas assez riche.
Elle persuade
le pauvre Gallochio d'une idylle naissante entre le
jeune Cesario Négroni et sa fille.
Alors Gallochio n'a pas d'autre
solution que de simuler, avec son consentement,
l'enlèvement de la jeune fille, croyant que cette scapaticcia (fugue), selon la coutume, obligera
ainsi les parents de Marie-Louise à considérer leur
union comme un fait accompli. Mais Rosetta porte plainte
contre Gallochio pour enlèvement et séquestration de
mineure et toute la famille se lance à la poursuite des
deux jeunes gens qui se sont réfugiés à Campi.
Maria Luisa est forcée de retourner chez ses parents et
Gallochio qui ne comprends pas la violation de cette
tradition ancestrale, demande des explications au père
de la jeune fille qui déclare retirer sa plainte puisque
sa fille lui est revenue.
Mais le personnage intriguant de Rosetta, va
tout mettre en oeuvre pour écarter le prétendant. La
plainte n'est pas retirée et ce qui aurait pu s'arrêter
là deviendra l'histoire du terrible bandit Gallochio
lorsqu'un soir, les gendarmes se présentent au
domicile des parents du pauvre garçon qui a déjà pris le
maquis.
Pendant ce temps, Rosetta
fait officialiser les nouvelles fiançailles avec César Negroni.
Gallochio, anéanti par la nouvelle de cette union et par
les fausses accusations de la famille Vincensini, envoie
par un ami, au père de Maria Luisa, la
traditionnelle menace du "Garde-toi, je me garde"
et fait savoir à Rosetta que le mariage qu'elle a organisé ne se
fera pas... Ce gringalet qui la menace, ne fera jamais
peur à personne pense-t-elle !
Et pourtant... La veille du
mariage, le père de Marie-Louise, Angeloe-Giuseppe
Vincensini est abattu d'un coup de fusil en pleine
tête. Gallochio
vient d'accomplir sa vengeance. C'est le début d'une longue
série de meurtres, l'époque sans doute la plus
meurtrière du banditisme en Corse.
Et puis le mariage à lieu, le
village est en liesse mais dans la maison de Gallochio,
les volets restent clos. Tard dans la nuit, Marie-Louise
et son époux ont regagné la chambre nuptiale. Dehors,
Gallochio attend patiemment son heure. Il lance des
petits cailloux contre les persiennes closes qui ne
tardent pas à s'ouvrir. Un coup
de feu semblable à un coup de tonnerre raisonne dans la
nuit. César Négroni s'effondre, un trou béant au milieu
du front, coupable seulement d'avoir épousé une fille
qui ne lui était pas promise.
A Matra, c'est
ensuite le tour des deux cousins de la famille qui ont
pris également part à la vendetta, Joseph et Victor Filippi, de
François-Xavier
Giacobetti,
frère de Rosetta.
En représailles, le frère de César Négroni, Jules dit "Pévérone", abattra le plus jeune frère de Gallochio, Carlo-Filippo.
Pour ce crime et deux autres, Jules Négroni sera arrêté
et jugé le 31 janvier 1839. La cour de cassation le
condamnera à perpétuité. Envoyé au bagne de Toulon, il
se suicidera deux ans plus tard en se sectionnant les
veines. Les deux autres frères de Gallochio,
Françescu et Don Marcu seront abattus à Rusiu, par les gendarmes
le 04 janvier 1822. Seule la soeur, Maria
Antonmarchi, survivra
dans la famille, à l'affreuse tuerie.
Le 12 mars 1821, Gallochio et son
frère Don Marco (qui à participer à la Vendetta et l'a
suivi au maquis) sont jugés par contumace par la cour de
justice criminelle de Bastia et condamnés à 20 ans de
travaux forcés pour enlèvement avec violences, puis le
lendemain, à mort pour le triple assassinat.
Gallochio, c'est aussi en 18 mois, les assassinats
d'une trentaine de gendarmes perpétrés en compagnie du
bandit Sarrochi dit "Ceccu", de
Tiodoru Poli, et des frères Gambini de
Corte avec
lesquels Gallochio et son frère François se sont liés pour mieux se défendre contre la
maréchaussée et le bataillon de voltigeurs Corses créé
le 06 novembre 1822.
Un jour, à Ghisoni, une jeune
fille qui coupait du bois dans la forêt est attaquée et
violée par un homme qui prétend s'appeler Gallochio. La
jeune fille déshonorée, ne trouverait jamais plus à se
marier. Gallochio, informé de cette histoire, va trouver
la jeune fille qui, bien sur, ne reconnaît pas en lui
son agresseur. Elle fait au bandit une description
précise de ce dernier, lequel est aussitôt identifié
comme étant un berger des environs. Gallochio va le
trouver, le ramène à Ghisoni et l'oblige à réparer sa
faute séance tenante en épousant sa victime. Les parents
de la jeune fille, soulagés ne savent comment remercier
Gallocchio. Le mariage est aussitôt célébré par le maire
"réquisitionné" pour la circonstance.
Mais l'affaire
n'en reste pas Là. Gallochio invite le nouvel époux à
le suivre dans un endroit à l'écart et lui loge sans
autre forme de procès, une balle dans la tête. La jeune
femme mariée et veuve le même jour ne méritait pas aux
yeux de Gallochio, un mari de cette espèce. Depuis ce
temps, plus personne n'à eu envie d'usurper l'identité
du fameux bandit.
Impuissant à endiguer la violence
des bandits toujours plus présents, le préfet de la
Corse décide de traiter avec eux en leur offrant
l'impunité et des passeports pour quitter le pays. C'est
ainsi, qu'en Août 1823, Gallochio part en Grèce
pour s'enrôler dans l'armée gouvernementale qu'il ne
quittera qu'en 1826, avec un grade d'officier supérieur,
pour revenir en Corse. Il n'a pas 30 ans et il est
riche.
Mais au pays, le destin attend
Gallochio.
Récit du journal L'insulaire
Français du 25 novembre 1835.
Le 18 avril 1835 vers 9 heures du
matin, sur la commune d'Altiani, Simon Pierre
Santini, oncle des frères Negroni, ennemis de sang de
Gallochio, se trouve dans son champs où il prépare les
semailles. Non loin de là se trouvent aussi Jérôme et
Antoine Lucciani. Ils allaient se réunir pour travailler
en commun lorsque, apparaissant tout à coup, Gallochio
les somme brusquement de s'éloigner de Santini et de le
livrer à ses coups. Santini cherche refuge derrière les
deux laboureurs et essaie d'attendrir le bandit par ses
prières. Mais Gallochio est sans pitié et sa fureur
s'irrite de tout ce que l'on fait pour le calmer.
Les deux laboureurs font un
rempart de leur corps et ajoutent leurs supplications à
celles de Santini.
Gallochio veut en finir et ne
cesse de mettre en joue Santini et presse une première
fois la détente de son fusil. Ce premier coup est sans
résultat. C'est alors qu'Antoine Frigosini qui était à
quelques pas de là, encourage de la voix ses compagnons
et marche sur l'assassin qui se tourne et pointe son
arme vers lui pour le tenir à distance.
Profitant du moment, Santini
s'élance vers Gallochio une hache à la main au moment où
ce dernier allait faire feu sur Frigosini. Un violent
coup de hache brise le crâne de Gallochio et lui arrache
l'oeil gauche.
Gallochio ne tombe pas; Il veut
encore lutter mais Frigosini à son tour lui porte un
second coup de hache sur la tête. Gallochio lâche son
fusil et tente de s'emparer de son stylet. Il pare un
troisième coup de hache avec sa main droite et cette
main est fendue. Mortellement blessé mais toujours
debout, il ne lui reste plus que le pistolet qui pend à
sa sa ceinture. Antoine Lucciani s'empare alors du fusil
de Gallochio et l'achève en déchargeant sur lui le
second canon.
Ainsi s'achève brutalement la
terrible vendetta de celui qui fut par 45 fois
meurtrier et par 27 fois condamné à mort par contumace. Le scapulaire de la Sainte Vierge qu'il
portait à son cou, cette fois là ne l'avait pas
protégé.
Son corps a
été enseveli dans le petit cimetière du village d'Altiani.
Aujourd'hui, ce cimetière, entièrement rénové, ne garde
plus trace de la sépulture de ce terrible bandit qui
venait d'atteindre sa 45 année.
D'autres versions fantaisistes de
la mort de Gallochio ont été rapportées. La plus
romancée reste celle d'Henri Pierangeli, avocat, homme
politique et romancier qui écrivait sous le pseudonyme
d'Henri Pierhome.
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Acte de décès de Giuseppo ANTONMARCHI surnommé Gallochio.
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Maria-Grazia Luisa VINCENSINI d'après Joseph MARIANI. |
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