LA MARINE MARCHANDE EN CORSE

LA COMPAGNIE GERARD & FILS (1830 - 1840)

 

Vous pouvez écouter sur cette page un extrait de la chanson "Un batellu chi passa" interprétée par Antoine CIOSI

 

L'application de l'hélice sur un navire à vapeur va être une véritable révolution. Le premier brevet d'une hélice opérationnelle est celui d'un ingénieur autrichien, Joseph Ressel, en 1827. En France, deux hommes conjuguèrent leurs efforts : Sauvage, un des inventeurs de l’hélice, et Normand, constructeur au Havre. Tout alla bien jusqu’au jour où il fallut décider de la forme de l’hélice ; Sauvage la voulait pareille à une vis, Normand la concevait comme celles qui équipent les navires aujourd’hui, c’est-à-dire à pales distinctes. Le second, par bonheur, s’obstina. Faute de l’accord du ministère de la Marine pour la construction d’un navire à vapeur et à hélice, il obtint celui du ministère des Finances. Le contrat d’achat stipulait que le bateau, un aviso destiné aux traversées postales entre Marseille et la Corse, devrait atteindre la vitesse de huit nœuds minimum, faute de quoi le projet serait abandonné.

Normand accepta de prendre le risque et le 11 décembre 1842 un navire de 350 tonneaux, équipé d’une machine de 120 chevaux due à l’ingénieur anglais Barnes, sortait des chantiers du Havre et recevait le nom de Napoléon. Aux essais, il atteignit la vitesse de dix nœuds quatre dixièmes, soit deux nœuds et demi de plus que les corvettes à roues contemporaines. Ce premier navire à hélice destiné à sillonner les eaux françaises remporta aussitôt un très vif succès et détermina l’adoption de l’hélice dans la Marine française. Non seulement Normand avait rempli son contrat, mais il avait su donner à la carène du Napoléon des formes d’une très grande élégance, très effilées et parfaitement adaptées au nouveau système de propulsion. De plus, le navire marchait aussi bien à la voile qu’à la vapeur grâce à son gréement de brick goélette à trois mâts.

Après la Révolution de 1848, le Napoléon prit le nom de Corse. Il assura effectivement le service postal entre la France métropolitaine et l’île à laquelle il devait son nouveau nom, puis fut racheté par la marine. Quarante-sept ans après son lancement, le Corse naviguait encore et réalisait aisément une vitesse de 9 nœuds.

 

L’idée de relier la Corse au continent par des navires à vapeur a été émise pour la première fois en 1825, mais c'est seulement en 1830 que débutent les premières liaisons régulières dont le mérite revient à la Compagnie Toulonnaise GERARD & Fils.
Ce service subventionné par l'Etat (120 000 francs par an) est conclu pour une période de 4 ans, mais il sera prorogé jusqu'en 1842 avec cette Société.
Pour assurer cette desserte l'Armement Toulonnais fit construire trois navires à vapeur à coque en bois propulsés par des machines à vapeur de construction anglaise d’une puissance de deux fois vingt-cinq chevaux actionnant des roues à aubes, tout en étant gréés de voiles auxiliaires : Le GOLO, le LIAMONE et le VAR, qui mesurent chacun 33 m de long, 5,10m de large et jaugent 50 tonneaux. Chaque navire dispose de quatorze cabines et peut transporter une cinquantaine de passagers, mais la moyenne n’est en fait que d’une douzaine de passagers par traversée et le confort y est très relatif.

Les traversées par vent faible durent environ 26 heures entre Toulon et Ajaccio et 30 heures entre Toulon et Bastia, mais se prolongent souvent de 24 heures lorsque le mauvais temps s’en mêle.

En 1830, les horaires sont ainsi fixés :  Toulon/Bastia : Départ 8 h Jeudi - Arrivée Vendredi 14 h ; Toulon/Ajaccio : Départ 8 h Dimanche - Arrivée lundi 10 h ; Bastia/Toulon : Départ 10 h Dimanche - Arrivée lundi 16 h ; Ajaccio/Toulon : Départ 10 h Jeudi - Arrivée Vendredi 12 h.

 

Le 18 Juin 1830 à 18 heures, le Liamone entre dans le port d’Ajaccio en provenance de Toulon après vingt-six heures de traversée. Deux jours plus tard, le Golo reliait le port varois à Bastia en trente heures. L’arrivée des deux vapeurs eut un si grand retentissement dans l’île que le « Journal du Département de la Corse », dans son édition du 24 juin 1830, l’évoquait en ces termes :

"Grâces à la paternelle sollicitude du gouvernement du Roi, nos espérances au sujet des bateaux à vapeur, chargés du service de la correspondance entre le Continent français et l’île de Corse, se sont enfin réalisées. L’un de ces bateaux, celui dénommé le Liamone est entré dans le port d'Ajaccio le 18 de ce mois â six heures du soir ; l’autre dénommé le Golo est arrivé à Bastia le 20. Désormais nous recevrons donc le courrier de Paris deux fois par semaine et presque aussitôt que d’autres départements qui sont cependant plus rapprochés que nous de la métropole. Il serait difficile d’exprimer la joie que les habitants ont manifestée à l’apparition des deux bâtiments. Nous pouvons assurer que le 18 et le 20 juin 1830 feront époque dans les annales de la Corse".

 

Dès le 1er janvier 1834, le nouvel hebdomadaire, sortant de l'imprimerie Fabiani et ayant pour titre "Revue de la Corse"- qui deviendra trois mois plus tard "L'Insulaire français"-  avait fait son apparition et signalait dans un article assez détaillé l'établissement de relations maritimes régulières entre Toulon, Bastia et Livourne par un bateau à vapeur d'un « confort » relativement supérieur à celui des « vapeurs » déjà en service entre la Corse et la Toscane.

Des Corses établis à Livourne, les frères Cipriani associés aux frères Bartolommei, ont eu l'idée d'une telle entreprise qui, selon une de leurs circulaires de publicité, sera profitable aux trois pays desservis et entre lesquels les communications et les transports deviendront à la fois économiques et rapides. De fait, une société anonyme de navigation fut créée à cet effet par actions de 2.000 francs et pour un capital total minimum de 150.000 francs. On devait apprendre par la suite que l'un des souscripteurs, un certain Stephenson, citoyen anglais domicilié à Florence, en avait souscrit personnellement pour cette somme et que le capital prévu avait été doublé.

Le bateau en question, construit en France, n'entra toutefois en service qu'au mois de février 1836, bien après la date primitivement annoncée.

Le journal « L'Insulaire Français » ne manqua pas d'ailleurs de donner en temps opportun les caractéristiques du navire, dont le commandant était Antoine Lota, de Bastia, et qui fut baptisé « Napoléon ». Il effectuait trois rotations par mois, reliant Marseille à Bastia en 32 heures pour cinquante francs et Bastia à Livourne en 8 heures.

La vapeur s’imposait désormais et le nombre de navires qui desservaient la Corse explosait littéralement en passant de trois en 1841 à cent dix en 1845 et devenaient de plus en plus confortables.

Mais ce nouveau mode de transport n'est pas bien accueilli par tous ;  les marins y voient une concurrence déloyale entre leurs voiliers et ces vapeurs bien plus rapide.

L’armement GERARD et Fils est violemment critiqué par la presse qui qualifie ses vapeurs de "Cratères ambulants" et avance que la sécurité et le confort des passagers à bord de ces navires est loin d’être à hauteur des subventions significatives allouées à la compagnie à raison du service postal imposé par l’État.
Par ailleurs, le port de Marseille prend l’ascendant sur celui de Toulon comme tête des lignes postales, non seulement vers la Corse mais aussi vers le Moyen-Orient.

En 1841, la Compagnie Bastiaise VALERY, ensuite les navires de l'Etat en 1842, entrent en compétition avec la Compagnie GERARD qui semble traverser de graves difficultés d'exploitation.

En 1843, l’armement GERARD et Fils, dont les intérêts se concentrent sur Toulon, renonce finalement à desservir les lignes de Corse dont le service postal sera désormais assuré par la compagnie bastiaise VALERY.

 

 

LE GOLO (1842-1844)

Construit à Toulon en 1830

Coque en bois. Longueur : 33m ; largeur : 5,10 m

Puissance : 50 cv ; vitesse : 6 noeuds

LE LIAMONE
 
 
 

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Dernière mise à jour pour cette page : 11 novembre 2024