Ce
soir à la veillée, on écoute l'histoire du
fullettu. Qui est-il ?
On le décrit comme un petit homme
aux pieds fourchus, avec une main de fer ou de plomb et l'autre de chanvre. Il pénètre
dans les maisons, de préférence au petit matin, sans
faire de bruit et s'amuse à surprendre ceux qui dorment
encore. En hiver, il les met tout nus et frappe leurs
fesses avec sa main de fer. Ou encore, il jette un seau
d'eau sur le lit pour obliger ceux qui dorment à se
lever. On a beau ouvrir les yeux, on ne le voit pas ;
mais on l'entend éclater de rire et taper dans ses
mains.
Tout le monde n'a pas rencontré le
fullettu, mais ceux qui l'ont croisé sur leur
chemin ne sont pas près de l'oublier.
Si le fullettu n'est pas
véritablement malfaisant ou nuisible, il n'en demeure
pas moins irritant pour ceux auxquels il s'attache. Car
le fullettu est d'une fidélité remarquable et quand il arrive dans une
maison il est très difficile de l'en faire partir. La
victime doit faire preuve de patience et de ruse pour
parvenir à le chasser.
Un soir en Castagniccia, alors que
la nuit était tombée, un brave meunier était encore en
train de moudre ses châtaignes lorsqu'il entendit du
bruit non loin de son moulin. Dehors, un enfant
pleurait ; il avait faim, il avait froid et le meunier
attristé le ramena chez lui. Quand il voulut, pour le
réchauffer, le placer près de la cheminée où brûlait un
grand feu, le petit garçon eut une grande frayeur et
refusa car il ne voulait pas que le meunier voit ses
pieds qui étaient fourchus. Laissant seul le petit
garçon, le meunier retourna à son travail.
Soudain, la roue du moulin
s'arrêta... il n'y avait plus une goutte d'eau pour la
faire tourner. Que ce passe-t-il donc ? C'est alors
qu'il vit le petit garçon arriver en riant et en
frappant dans ses mains : " tu peux aller te coucher
meunier, ce soir la roue ne tournera plus ! ". Le meunier
comprit alors qu'il avait à faire au fullettu
et qu'il serait difficile pour lui de s'en
débarrasser.
Le lutin n'est pas méchant mais il
aime faire beaucoup de vilaines blagues qui rendent à la
longue, sa compagnie très pénible. Le meunier n'a plus
qu'une idée en tête: le chasser de chez lui. Il réfléchit longtemps et se
souvient soudain que ce drôle de petit personnage a
horreur du désordre et ne peut s'empêcher de remettre
chaque chose à sa place...
Un matin, il monta au grenier
et vida sur le sol un sac de blé et un sac d'avoine en
faisant attention à bien mélanger les grains. Quand le
fullettu vit que tous les grains étaient
mélangés il se mit aussitôt à les trier un à un ; mais ce
travail était si long et si pénible qu'il ne tarda pas à
en être bientôt découragé. Dégoûté, il finit par quitter la
maison au grand soulagement du meunier. |