Cette histoire que l'on racontait
à la veillée autour du fucone, remonte d'un passé trop
lointain pour que nous puissions en saisir la part du
fantastique ou du réel; mais c'est certain, elle ne peut
nous laisser indifférents.
Au tout début du XIXème siècle,
dans un petit village isolé de la Castagniccia, peuplé
seulement d'une cinquantaine de paisani, vivait une
famille nombreuse de 7 enfants. Habitué aux durs labeurs
de la terre, chacun vaquait quotidiennement à ses
occupations pour subvenir aux besoins de la nombreuse
famille lorsque la mère fut soudain frappée d'un mal
mystérieux qui l'obligea rapidement à tenir le lit.
Malgré le dévouement constant de
son époux et de ses enfants qui joignaient leurs prières
à leurs soins attentifs, rien n'y faisait. Le mal
empirait et le médecin appelé en dernier recours au
chevet de la pauvre mère devenue maintenant grabataire
ne put se prononcer sur l'origine de ce mal qu'il disait
incurable.
Dans cette famille très pieuse,
les deux plus jeunes enfants de la fratrie, Paulu et
Lucia âgés respectivement de 11 et 8 ans, les seuls qu'on envoyait encore à l'école,
s'en venaient prier chaque matin et soir après la classe
dans l'église du bon Saint Jean-Baptiste devant le
magnifique tableau de la vierge tenant l'enfant Jésus
dans ses bras. Souvent ils restaient là tous deux de
longues minutes prostrés et silencieux, lui adressant de
ferventes suppliques pour la guérison de l'être cher.
Un soir, alors qu'ils priaient
comme à leur habitude, la brave Lucia rompit soudain
le silence et murmura quelques mots à son frère qu'il ne
comprit pas. Elle lui prit alors le bras et l'entraîna
vers l'extérieur de l'église qu'ils quittèrent après un
dernier signe de croix.
Intrigué, Paulu regarda sa sœur
qui lui expliqua alors doucement et très tranquillement
que la vierge lui avait parlé au cours de sa prière et
qu'elle lui avait dit ce qu'il fallait faire pour que
leur mère guérisse; et ce soir là à table, devant toute
la famille réunie, la fillette rapporta les paroles de
la vierge : il fallait emmener la malade jusqu'à
l'église Sainte Marie située à une demi-lieue du village.
Lorsque les habitants de la petite
communauté eurent connaissance de l'évènement, ils
restèrent incrédules mais ne cherchèrent pas un seul
instant à contredire le fait que la vierge avait parlé à
la fillette et ils se joignirent à la famille pour
transporter la malheureuse infirme à l'endroit indiqué
et à prier en cœur pour elle.
Bien sur, la guérison ne fut pas
immédiate mais quelques semaines plus tard, alors que la
médecine la jugeait condamnée, à la stupéfaction
générale, la malade quitta son grabat définitivement
guérie. La nouvelle de cette guérison inexpliquée fut
considérée comme un
vrai miracle et fit rapidement le tour du canton. Pour
remercier la Sainte vierge, les cloches sonnèrent à
toute volée.
Mais le temps de réjouissances ne
dura pas et quelques jours plus tard, après cette
guérison miraculeuse, la petite Lucia fut à son tour
frappée d'un mal mystérieux qui l'emporta rapidement
laissant une famille effondrée et des habitants
interrogatifs.
Pour toute oraison funèbre, le
père de la fillette prononça ces mots pleins de douleur
: " Si la vierge t'a vraiment parlé, petite, alors,
tu n'étais déjà plus à nous..." |