Boswell est un
avocat et écrivain Ecossais.
Il a 25 ans
lorsqu'il entreprend un
voyage à travers l'Europe. Au cours de l'année de 1964, il
s'apprête à découvrir l'Italie lorsqu'il rencontre Rousseau en
Suisse. Rousseau admire les Corses et Paoli en particulier qui
l'a invité à venir dans l'île; cest pourquoi, il incite vivement
Boswell à se rendre en Corse et il lui remet une lettre de
recommandation pour Buttafuoco, capitaine au régiment Royal
Italien.
Boswell se rend donc à Livourne où il se
lie d'amitié avec le jeune comte Antonio Rivarola, consul de
Sardaigne qui lui remet à son tour quatre lettres de
recommandation pour plusieurs personnes de l'île.
Muni de ces précieuses lettres, Boswell,
accompagné de son serviteur Suisse, s'embarque donc
le 11 octobre 1765 et débarque le lendemain soir dans le petit port de Centuri.
Il passe sa première nuit à Morsiglia chez le signor Antonetti.
Le lendemain il est à Pino avec une nouvvelle lettre de
recommandation du signor Antonetti pour le signor Tomasi. Il
poursuit son chemin de village en village (Patrimonio, Oletta,
Murato...), de maison en maison et de couvent en couvent
(Canari, Corte, Bastelica...). Le 22 octobre il est à Sollacaro
où il rencontre Paoli qui malgré la lettre de recommendation de
Rousseau le reçoit assez froidement et avec méfiance (Paoli qui se sait menacé, le soupçonne d'être
un espion). Les deux hommes finiront par s'apprécier et
se lieront d'une amitié fidèle et durable qui sera le soutien principal de
Paoli pendant son exil Londonien de 1769 à 1790.
Après avoir passé une huitaine de
jours (du 21 au 29 octobre) aux côtés du Général, Boswell repartira pour Corte le 29
octobre.
Il passera ensuite
par Morosaglia et Vescovato avant de parvenir à Bastia le 9 ou
le 10 novembre.
Muni d'une autre lettre de recommandation de Paoli
pour le commandant Marbeuf, Boswell sera l'hôte de ce dernier pendant
plusieurs jours avant de quitter la Corse le 20 novembre en
ayant été étroitement surveillé depuis son arrivée par la république de Gênes qui le
soupçonne d'être un agent politique au service de l'Angleterre.
Admiratif
devant la tentative d’organisation d’un État démocratique dans
l’île et de la volonté de s’affranchir de toute tutelle
étrangère, il se fera l'ambassadeur de la cause corse auprès de
l’Europe des lumières en publiant en 1768 son célèbre
An
Account of Corsica, qui sera traduit en plusieurs
langues et qui remportera un éclatant succès.
Dans son
livre, The Journal of a Tour to that Island and
Memoirs of Pascal Paoli, Boswell relate son voyage dans l'île, les moeurs de ses
habitants, sa rencontre avec Paoli
dont il deviendra le porte parole.
Subjugué par
la beauté sauvage du pays qu'il aura parcouru à dos de mulet et fortement impressionné par l'aura
du Babbù, Boswell a écrit : « Je crus trouver en Corse ce que personne n’allait
voir, et ce que je ne trouverais en aucun autre endroit au
monde ; un peuple combattant actuellement pour sa liberté, et
s’élevant par ses propres forces d’un état de bassesse et
d’oppression à celui du bien-être et de l’indépendance ».
« Je voyais en Paoli mes idées les plus grandes se réaliser; il m’était impossible, quelles que fussent mes
spéculations, d’avoir en le voyant une idée médiocre de la
nature humaine ».
Lorsque la France envahit l'intérieur de
l'île, Boswell ouvrit une souscription et utilisa les sommes
ainsi acquises pour procurer aux patriotes corses les moyens
financiers de faire la guerre. D'Ecosse partira en décembre 1768
un navire chargé d'armes et de munitions.
Mais le destin
d'une île où, dit-il,
"j'avait grimpé sur un rocher et plongé en plein milieu de
la vie. » était désormais scellé.
Dans son Journal d'un voyage dans l'îsle de
Corse (Relation de l'Isle de Corse) Boswell écrit :
"J'adopterai pour cet ouvrage la simple et
belle inscription qui se trouve sur la façade du palais Tolomei, à
Sienne : Quod potui teci; faciant meliora potentes. « J'ai fait ce
que j'ai pu; que d'autres fassent mieux » ...
On a publié, depuis peu, tant de la part
des Corses, que de celle des Génois, un grand nombre d'écrits, où
leurs auteurs se sont donné beaucoup de peine pour réfuter les
hypothèses les uns des autres, à l'égard des divers faits anciens de
l'Histoire de Corse.
En effet le champ est vaste pour tous les
partis, et ces tems sont si ténébreux, que chaque écrivain a la
facilité de supposer des événements à sa fantaisie; tout comme dans
une nuit obscure, plusieurs personnes peuvent assurer avec la même
hardiesse et la même apparence de raison, qu'elles voient des objets
entièrement différents.
Que la Corse ait eu pour maîtres les
Phéniciens, les Étrusques, les Carthaginois, les Romains, les Goths,
les Sarrasins; qu'elle soit passée ensuite, à titre de conquête ou
de donation, sous la domination de la France, du Pape, des Pisans et
enfin des Génois ; malgré cela il en faut toujours revenir à ce
principe fondamental que les Corses sont des hommes, qu'ils ont un
droit à la liberté, et que si quelque puissance que ce soit vient à
l'usurper, ils sont en tous tems fondés à réclamer contre elle.
Les Génois ne songèrent qu'à assouvir leur
ressentiment contre les malheureux Corses ; et toujours inquiets sur
les desseins généreux de cette nation, ils redoublèrent leur
tyrannie, dont ils se firent une espèce de système
En parlant des abus de la justice de Gênes,
Montesquieu, avec cette grave dignité qui convient à un si grand
maître, s'exprime en ces termes : « Une république d'Italie tenait
des insulaires sous son obéissance ; mais son droit politique et
civil à leur égard était vicieux. On se souvient de cet acte
d'amnistie, qui porte qu'on ne les condamnerait plus à des peines
afflictives sur la conscience informée (ex informata conscientia) du
Gouverneur.
On a vu souvent des peuples demander des
privilèges ; ici le souverain accorde le droit de toutes les
nations. »
Durant cette oppression, rien n'était plus
commun que de voir condamner aux galères une infinité de gens pour
les fautes les plus légères, uniquement dans la vue d'en tirer une
rançon considérable; en un mot, à peine pourrait-on imaginer une
barbarie plus grande que celle que souffraient ces insulaires...
Les Corses parlent un fort bon italien,
mêlé de quelques restes des dialectes des nations barbaresques et
d'un petit nombre de mots corrompus des Génois ; quoiqu'en général
leur langage soit beaucoup plus pur que dans aucun des Etats de
l'Italie. Leur prononciation est cependant un peu rude. Mais ils
écrivent l'italien à un grand degré de perfection, comme on peut
s'en convaincre par leurs manifestes, et autres pièces publiques.
Ces peuples ont généralement beaucoup de
dispositions pour les arts. A la vérité je ne saurais dire que la
Peinture ait fait jusqu'ici des progrès remarquables parmi eux; mais
ils réussissent bien dans la Musique et la Poésie...
On ne saurait nier que ces peuples ne
soient agités par de violentes passions. La force et la vigueur
d'esprit qu'on leur reconnaît de même, sont les principes qui
forment les hommes bons ou méchants à un degré supérieur. J'aime ces
caractères où il « y a de l'étoffe », me disait un jour M. Rousseau;
un jour que nous nous entretenions, au Val-de-Travers, sur ceux de
différentes nations! C'était bien dit : un esprit faible et
languissant n'est point en état de soutenir le poids des grandes
vertus. Ce n'est que de la fermeté et de la vivacité qu'on doit
attendre des caractères d'un rare mérite.
Ces insulaires sont propres à tout. Mais
leur destinée n'a laissé voir en eux qu'un naturel féroce et
intraitable. Ce qu'ils ont eu occasion de montrer, ils l'ont
toujours fait avec distinction...
Les Corses, disent les auteurs de
l'Encyclopédie, sont remuants, vindicatifs et belliqueux.
Leurs efforts contre la tyrannie ne
pouvaient les faire paraître sous un autre aspect.
Montesquieu les
caractérise ainsi : "Les Corses sont une poignée d'hommes aussi
braves et aussi délibérés que les Anglais. On ne les domptera, je
crois, que par la prudence et la bonté. On peut voir, par leur
exemple, quel courage et quelle vertu donne aux hommes l'amour de la
liberté, et qu'il est dangereux et injuste de l'opprimer".
Leurs mœurs ont beaucoup de rapport à
celles des anciens Germains.
On peu dire de la
Corse ce que Tacite rapporte de l'ancienne Germanie: « Nemo illic vitia ridet; nec
corrumpere et corrumpi fœculum vocatur. » (Personne n'y rit au vice,
et la corruption n'y est point à la mode.) Les Corses, comme les
anciens Germains, sont extrêmement paresseux. Les femmes font la
plus grande partie des travaux pénibles ; ce qui est aussi la
coutume parmi les montagnards écossais.
Cependant ces insulaires sont très actifs
en guerre, de même que les Germains dont Tacite dit que « par une
merveilleuse diversité de la nature, les mêmes hommes sont à la fois
amis de l'oisiveté et ennemis du repos ». (Mira diversitate naturœ
cum iidem homines sic ament inertiam et oderint quietem).
Malgré
tout ce qu'a fait Paoli pour exciter ses compatriotes au travail, il
n'a pu encore vaincre entièrement leur répugnance à cet égard; et
chaque année l'on emploie dans l'île 800 à 1,000 Sardes et Lucquois,
comme artisans et laboureurs.
M. de Montesquieu observe que toutes les
nations paresseuses sont aussi orgueilleuses ; ce qui est le cas des
Corses, à quoi leurs succès dans la guerre n'ont pas peu contribué,
comme je l'ai remarqué ailleurs. Il propose un très bon remède pour
ce mal.
« On pourrait, dit-il, tourner l'effet
contre la cause et détruire la paresse par l'orgueil. Dans le Midi
de l'Europe, où les peuples sont si fort frappés par le point
d'honneur, il serait bon de donner des prix aux laboureurs qui
auraient porté le plus loin leur industrie. Cette pratique a réussi
de nos jours en Irlande ; elle y a établi une des plus importantes
manufactures de toile qui soient en Europe».
Les Corses aiment fort à s'asseoir autour
d'un feu, coutume qui semble être particulière aux nations agrestes.
On la trouve établie chez les Indiens de l'Amérique septentrionale,
et les anciens Germains « passaient toute la journée auprès du feu ».
Il y a eu anciennement diverses coutumes
fort étranges en Corse... Il en subsiste encore quelques-unes fort
bizarres, surtout les cérémonies qu'ils observent aux funérailles de leurs parents...
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