Frederica Dorothy
Violet Carrington, Lady Rose, est née le 10 juin 1910 à Perrotts
Brook, Cirencester,Gloucestershire, Angleterre.
Orpheline à 10 ans (son père
disparaît en 1913 et sa mère Susanna en 1920), elle est envoyée dans
une pension de famille. En 1928, elle est admise à l'université de St
Margaret's Hall mais renonce finalement à préparer un doctorat en
1931. En 1936, elle épouse Franz Otto Resseguier, un aristocrate autrichien
désargenté qui l'emmène en Rhodésie pour fonder une plantation de
café. En 1938, à cause de l'Anschluss, Dorothy Carrington devient
Allemande; contrairement à son mari, elle ne peut l'admettre; Elle
divorce et rentre précipitamment en Europe et pour retrouver sa
nationalité Anglaise, elle fait un mariage de convenance en épousant Darcy Sproul-Borton. Au décès de ce dernier elle
épouse en 1942, le peintre surréaliste Sir Francis Rose, son
troisième mari, qui menait
une vie fortunée dans les années 30 mais qui est complètement ruiné
quand il rentre en Angleterre au début de la guerre
.
C'est en juillet 1948, qu'encouragée par Jean Cesari, un
Corse, ancien résistant, exilé en Angleterre, elle
effectue le premier de ses quatre voyages en Corse. Elle
débarque à Ajaccio un matin de juillet en
compagnie de son troisième mari, et tombe immédiatement amoureuse
d'un pays dont elle dira :"lorsque
j'ai vu du bateau par lequel j'arrivais, surgir cette île sortie de
la mer, j'ai été fascinée par autant de beauté et je suis
immédiatement tombée éternellement amoureuse de la Corse".
Au cours de ses voyages successifs, elle
parcourt la Corse à pied, à cheval, en voiture couche dans les bergeries, interroge
les femmes qui lisent l'avenir dans l'huile, fouille les archives,
découvre une sorte de réserve culturelle préservée de
l'industrialisation. Subjuguée par la beauté de l'île, elle décide de s'y
installer définitivement en 1954 sans son mari homosexuel dont elle
divorcera en 1966.
Les débuts de Doroty Carrington en Corse ne sont pas faciles. Elle
s'installe dans un modeste appartement près de la citadelle et gagne
sa vie comme elle peut en écrivant des articles pour les journaux
locaux; elle devient traductrice en simultané lors de congrès à
Ajaccio ou à Bastia, se fait guide touristique pour des visiteurs
étrangers.
Historienne, archéologue et
sociologue, Dorothy Carrington ne se contente pas de relater avec
émerveillement ses voyages, ou de nous rappeler sous un éclairage nouveau
l'histoire et l'ethnologie de l'île de granit; elle nous apporte des
hypothèses astucieuses sur les secrets qu'elle n'a pu percer et des
révélations sur ceux dont elle a trouvé la clé. Son apport sur les
mégalithes, les Giovannali, les églises pisanes et la Constitution
de Paoli (1755) est considérable. De plus, courageusement, elle
n'élude aucun des épineux problèmes humains comme le destin,
l'honneur, la paresse, l'écroulement du système collectif et des
coutumes ancestrales, la condition féminine, l'émigration, le
tourisme, l'autonomisme, etc...
En 1971, elle écrit son chef-d'œuvre, "Granite Island"
qu'elle fait publié à Londres et
qui remportera le prix Heinemann. Elle va poursuivre des
recherches très approfondie sur Pasquale Paoli "The corsican
constitution of Pasquale Paoli"; sur la vie des Bonaparte "Napoléon et ses parents au seuil de l’histoire",
publié à Londres en 1988 ; sur "The dream-hunters of Corsica" qui traite
du côté sombre et menaçant de la psyché corse et des croyances populaires
qui fascinent sont esprit et qui sera traduit en 1998 aux éditions
Alain Piazzola sous le titre "Mazzeri, Finzioni, Signadori".
C'est aussi en partie grâce
à son travail qu'elle persuade les archéologues français de se rendre en Corse
pour y étudier le désormais célèbre site mégalithique de Filitosa.
En 1986, le ministre français de la Culture
décerne à Dorothy Carrington la croix de chevalier de l’Ordre des
Arts et des Lettres qui lui sera remise à Ajaccio à la Casa
Pozzo di Borgo, rue Bonaparte.
En 1991, elle est élue
docteur honoris causa de l'université de
Corte pour ses écrits concernant l'île de beauté.
L'année suivante,
le consul général de Grande-Bretagne lui remet au nom de la
Reine d'Angleterre, l'insigne de membre de l'Empire Britannique
pour ses travaux de recherche sur la Corse depuis un
demi-siècle. Dorothy Carrington était membre de la Royal Historical Society et de la Royal Society of Literature.
En juin 1993, à l’hôtel de ville d’Ajaccio, on
lui décerne le prix littéraire de la Napoleonic Society of America. Enfin,
suprême hommage pour cette corso‑britannique, elle recevait en 1995,
au nom de la reine d’Angleterre, l’insigne de membre de l’Ordre de
l’Empire britannique pour ses travaux et ses recherches sur la Corse
depuis près d’un demi‑siècle.
A la fin de sa vie,
Dorothy Carrington confiera : "Je n'oublierai jamais mon arrivée à Ajaccio, à
l'aube. Je revois encore la Corse surgir de l'eau comme un rêve
fabuleux. La ville était ravissante, sortie d'un conte. Ce fut
un véritable choc... Les inattendus de la Corse m'ont rendu la
vie fascinante".
A sa mort, le journal Le monde écrira le le 29 janvier 2002 : "Avec Dorothy
Carrington, décédée à son domicile ajaccien vendredi 25 janvier
à l'âge de 91 ans, c'est l'une des figures les plus attachantes
de la Corse contemporaine qui disparaît. Un regard des plus
aigus, des plus lucides aussi, qu'on ait portés sur les réalités
et les mythologies insulaires aujourd'hui".
Selon sa volonté,
celle que l'on a défini comme la plus Corse des étrangères, repose
désormais au cimetière marin des Sanguinaires sur cette terre
d'adoption qu'elle a tant aimé.
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