PERSONNAGES CELEBRES

Pierre LOTI, né VIAUD Louis Marie Julien (1850-1923)

 

 

Louis Marie Julien VIAUD est né le 14 janvier 1850 à Rochefort. Le surnom de Loti, du nom d'une fleur tropicale, lui a été donné en 1871 à Tahiti. Tenu à une obligation de réserve du fait de sa qualité d'officier de marine, il se fera connaître sous ce nom à partir de 1876. C'est dès l'âge de 14 ans que lui vient la vocation d'être marin.

Des extraits d'un journal datant de la première année d'école navale de Loti nous le montrent à bord du Bougainville. Au sortir de l'Ecole navale, il fait sur le Jean Bart dans la Méditerranée son voyage d'aspirant. Enfin, en qualité d'aspirant de Ire classe, il part de Lorient pour rejoindre la Flore, bâtiment mixte naviguant la plupart du temps à la voile. Au cours des nombreux voyages de sa vie de marin, il fixe par le crayon ou par la plume des impressions qui lui serviront à écrire ses romans en grande partie autobiographiques.

 

Un de ses camarades le décrit ainsi : "C'était un garçon assez froid, renfermé plutôt par excès de timidité. Petit de taille, presque imberbe, il avait l'air d'un adolescent et cet air de grande jeunesse était encore augmenté par les petites vestes de « midship » anglais qu'il avait l'habitude de porter. Dans nos déjeuners au carré, déjeuners toujours gais, aux propos plutôt lestes, Viaud prenait peu de part aux conversations, sauf quand ces conversations portaient sur les îles enchantées du grand Pacifique. Pendant les deux années que dura l'embarquement de Viaud a bord du Gladiateur il ne se lia avec aucun de ses camarades ; il ne prit part à aucun de leurs plaisirs. Il descendait toujours seul à terre, et , lorsque son service le permettait, il s' absentait longuement du bord, et l'on s'étonnait de le rencontrer dans Stamboul, costumé à la Turque, en compagnie de gens du peuple. Certains le jugeaient peu intelligent et d' esprit obtus. Je protestais à l'occasion contre ces appréciations aussi peu charitables que mal fondées; plusieurs fois, en allant à bord, j'avais trouvé Viaud seul , retenu par son tour de service, et lui , si réservé en présence de ses camarades, devenait un très intéressant causeur, presque expansif avec moi, en qui il sentait un auditeur sympathique, épris comme lui d'exotisme, de couleur et de vie lointaine. Je me rappelle nos longues causeries du soir, à bord , dans la baie de Thérapia, sous les merveilleux clairs de lune du Bosphore, je l'écoutais me contant les féeries de Tahiti, la nouvelle Cythère ; remémorant ses souvenirs, son oeil se voilait, sa voix devenait plus lente, et, subitement, s' arrêtait ; puis après un silence, il reprenait son récit sans lien apparent avec le point où il l'avait laissé ... Il me laissait charmé, avec l'impression mélancolique que j'ai toujours trouvée depuis à la lecture de ses ouvrages. Plus d'une fois , et très discrètement , je l'ai interrogé sur les impressions causées sur lui par Stamboul, espérant l'amener à quelques confidences sur le genre de vie mystérieux qu'on lui attribuait ; mais il me répondait alors par quelques banalités et je ne poussais pas plus loin mes questions. C'est à cette époque évidemment, qu'il vivait son joli roman d'Azyadé, et la réalité de ce roman ne fait aucun doute pour moi, quoique, je le répéte, il ne m'aie jamais fait, de près ou de loin, aucune confidence à ce sujet ; mais certains détails du livre se rapportent trop exactement à certains menus faits contemporains, dont j' ai gardé le souvenir, pour que je garde un doute sur l'existence réelle de son héroïne, plus ou moins embellie et poétisée, d'après le droit des romanciers. J'ai donc connu Viaud au moment d'Azyadé, et j'ai eu de lui la primeur de Rarahu. Quand a paru « le mariage de Loti », j'y ai reconnu des chapitres entiers des récits de Viaud et j'ai couru dénoncer le « plagiat » à mon ami Achille de la Librairie Nouvelle . On m'a rassuré en m'apprenant que Viaud et Loti ne faisaient qu'un. »

 

C'est au mois d'avril 1891, que l'officier de marine et écrivain Français, fait une escale d'une dizaine de jours à Ajaccio avant de se rendre en Tunisie.

Il visite longuement la maison Bonaparte, puis se rend à Bocognano le 19 avril. Dans une auberge, il rencontre deux jeunes filles habillées de noir qui ne sont autre que les filles de Bellacoscia. "...Notre longue causerie, dit-il, était pour arranger une entrevue prochaine avec les bandit (...) l’une délicieusement jolie m'a tenu sous son charme, confesse-t-il, je n’aurais pas cru que mon nom de Pierre Loti m’aurait ouvert ainsi les portes de cette famille de révoltés..." écrit-il dans son journal intime.

Mais la neige et les nombreux gendarmes qui parcouraient la région empêchèrent sans doute cette entrevue.

En 1890, l'écrivain s'inspirera de la Corse pour écrire le livre le plus émouvant de son oeuvre :  le livre de la pitié et de la mort.

En 1892 il devient membre de l'Académie Française.

Atteint d'hémiplégie en 1921, il meurt à 73 ans, le 10 juin 1923 à Hendaye. Après des funérailles nationales, il est enterré dans la maison maison familiale qu'il avait baptisé "la maison des Aïeules"», à Saint-Pierre-d'Oléron. La vieille maison, agrandi par l'achat d'immeubles voisins et enrichi de trésors artistiques rapportés de tous les coins du monde, est devenue un musée. De nombreux visiteurs ont décrit la mosquée, le salon turc , le salon chinois, la salle moyen-âge, dans lesquelles la fantaisie de Loti s' est complue à faire revivre toutes les époques et tous les pays. Le site est inscrit depuis 2006 sur la liste des monuments historiques.

 

Extrait du journal intime de Pierre Loti

Rencontre avec les deux filles du bandit Bellacoscia

Dimanche 19 avril 1891,

Bocognano,

Vers dix heures du soir, quand notre petit conciliabule à voix basse fut terminé, dans la chambre haute de l’inénarrable auberge, le vieux Corse et les deux jeunes filles pareillement vêtues de noir, voilées de noir, gantées de noir, me tendirent la main et s’en allèrent. Alors j’ouvris la fenêtre pour regarder au dehors.

Une rue noire, dans un hameau perdu et endormi; deux ou trois vieilles maisons sinistres, sombres et indécises sous la lune; un brouillard lunaire éclairant faiblement; un silence farouche, avec un murmure lointain de torrents et de cascades. Et de la neige, là tout près ; de la neige quand ailleurs on est en plein avril. Des cimes très rapprochées nous surplombent, grimpent dans le ciel vague, avec leurs dentelures noires et leurs plaques neigeuses invraisemblablement blanches; leur voisinage et l’air vif qu’on respire donnent l’impression qu’on est très haut et, en effet, ce village isolé est dans les montagnes intérieures de la Corse.

La porte de l’auberge s’ouvre au-dessous de moi et je vois sortir les deux jeunes filles en noir, mes nouvelles amies, filles du bandit Beila Cascia, dont l'une délicieusement jolie m’a tenu sous son charme, celle qui l’an dernier se jeta aux pieds de M. Carnot pour demander la grâce de son père.

Notre longue causerie était pour arranger mon entrevue prochaine avec les bandits, chose bien difficile en ce moment, à cause de la fonte des neiges, à cause surtout d’une imbécile brigade de gendarmes qui bat la campagne en tous sens. Je n’aurais pas cru que mon nom de Pierre Loti m’aurait ouvert ainsi les portes de cette famille de révoltés.

Et, tandis que je regarde ces deux étranges jeunes filles en robe noire s’éloigner dans ce chemin confus, au pied de ces cimes fantastiques, je songe aux lettres reçues au moment du départ, que le changement brusque du voyage m’a presque fait oublier : le petit crayonnage de maman, me disant que la pauvre vieille voisine Eugénie se meurt, la lettre de Léo m’annonçant qu’il embarque sur un transatlantique et que notre séparation, hélas ! est bien accomplie. Que je me sens loin et isolé dans cette auberge, depuis que la fille de Beila Cascia qui m’avait un instant charmé est partie....

Samedi 25 avril. — Nous quittons la Corse le matin, par gros temps sombre. Après une dizaine de jours passés à Ajaccio, nous allons à Tunis...

 

 

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Date de mise à jour pour cette page : 13 novembre 2024