Maurice
Valadon qui allait devenir plus tard Maurice Utrillo est né à Paris,
au pied de la butte-Montmartre, rue du poteau, le 26 décembre 1883.
Le 29 du même mois, il est inscrit à la mairie du XVIIIème
arrondissement comme étant le fils de Marie Valandon et de père
inconnu. En réalité, son père est un certain Boissy, ivrogne notoire
et bohème, qui n'a jamais voulu le reconnaître, sans doute pour ne
pas ajouter au poids de sa détresse morale.
Fille naturelle
d’une mère blanchisseuse et d’un père condamné aux travaux forcés
pour avoir fabriqué et écoulé de fausses pièces d’or,
Marie-Clementine Valadon, dite Maria, plus tard
Suzanne Valadon,
était une jolie jeune femme qui posa comme modèle pour des peintres,
comme Renoir qu'elle connu et pour lequel elle posa nue vers 1886. A
son existence difficile et désordonnée était venu s'ajouter les
soucis de la maternité. Il s'agissait à présent d'élever le petit
Maurice et c'est sa mère Madeleine Coulon qui s'en chargera.
Entre-temps, Maria
avait lié des relations avec Paul Mousis, un homme qui allait
bientôt devenir son mari. Bien qu'il eut tout de suite des
attentions paternelles pour le petit Maurice, il déclara
nettement qu'il ne consentirait jamais à le reconnaître. Cependant,
Mousis, comptait parmi ses relations un fidèle ami, l'Espagnol
Miguel Utrillo, homme de lettre, journaliste et peintre, dont les
qualités de coeur égalaient celle de l'esprit. Ému par le désespoir
de Maria, il accepta de reconnaître l'enfant et le 8 avril 1891, il
fit dresser à la mairie de paris un
acte de reconnaissance.
C'est ainsi que Miguel Utrillo y Molens, né à Barcelone le 16 février
1863, devint le père légal de l'enfant de Marie Valendon.
A Montagny, où Suzanne Valadon et Paul Mousis ont déménagé, Maurice
fréquente l'école primaire. A l'âge de 10 ans, Mousis le fait entrer
en tant qu'externe, au collège Rollin à Paris, ce qui force le jeune
garçon à accomplir en train un trajet de 15 kilomètres deux fois par
jour. Livré à lui-même Utrillo passe son temps libre avec ses amis
entre l'avenue Trudaine et la gare du Nord. Avec l'argent que lui
donne régulièrement son beau-père, il commence à boire, d'abord du vin puis
ensuite de l'absinthe, sa boisson préférée. Portant la lourde hérédité de son père
biologique, il devint rapidement dépendant de l'alcool; à
la maison, il boit en cachette à même la bouteille.
Sa grand-mère,
impuissante, supporte ses menaces et subit ses violentes colères.
L'influence de l'alcool inquiète M. Mousis qui malgré sa sévérité,
constate une baisse de ses résultats scolaire sauf en mathématiques
où il excelle. A seize ans, il décide de le retirer du collège
pour le faire entrer au Crédit Foncier où il devient le plus
précieux élément, le plus irrespectueux aussi; à tel point que ses
chefs n'en veulent plus.
Maurice a à peine dix huit ans quand les manifestations de
l'alcoolisme prennent un caractère si sérieux que des soins
immédiats s'imposent. Suzanne Valendon, devenue Mme Mousis depuis
1896, doit consentir à conduire son fils à l'asile Ste-Anne où il
est soumis à une cure de désintoxication.
Il y aura ensuite d'autres cures que sa mère,
sur les conseils du docteur Ettlinger, ami de la famille, tentera de
lui éviter en l'emmenant progressivement à la peinture. Maurice se
montra d'abord réticent, obstinément sourd à une vocation qu'il ne
soupçonnait pas; puis lentement, sur l'insistance répétée de sa
mère, courbant la tête, obéissant, il dessina. A la fin de l'hiver
1903, il avait exécuté à MontMagny tout un carton de dessins.
De retour à Montmartre, alors qu'on le croyait
délivré de son addiction, il se remit à boire et ses crises
recommencèrent de plus belle à tel point qu'il fallut envisager à
nouveau de le soigner.
Utrillo vit maintenant à Montmartre et peindre
ne lui déplait plus. De mauvais sujet, il est devenu un
extraordinaire magicien de la peinture pour le plus grand bonheur de
sa mère. On peut estimer à 150 le nombre de peintures qu'il a
réalisées entre l'automne 1903 et l'hiver 1904; des peintures qu'il
vendait pour quelques sous à des marchands sans scrupule ou qu'il
échangeait dans un tripot contre quelques verres.
Pendant des années, Utrillo, tantôt ange,
tantôt démon, ira ainsi de
beuveries en beuveries, de rixes en rixes, de postes de police en postes de police et de cuites en chefs-d'oeuvre avec
une étrange et fascinante faculté de dédoublement. Il sera interné à plusieurs reprises (Sannois,
Sainte-Anne, Villejuif, Picpus).
Entre 1912 et 1914, le peintre, à l'apogée de son talent, effectue
un long séjour en Corse avec sa mère Suzanne Valadon, son second
mari (de vingt ans plus jeune qu'elle et meilleur ami de son fils) le peintre André Utter qu'elle a
rencontré en 1909 après s'être séparée de Paul Mousis et
son grand ami Richmond Chaudois, mutilé de guerre au visage balafré.
Après son arrivée à Ajaccio, les visiteurs prennent la direction de
Corté où "Suzanne Valandon réalise le plus complet, le plus déconcertant des paysages : toute
la ville de Corte, avec tous ses détails de maisons de
pierres, d'arbres, de haies, tout ce qui peut être dans une ville.
Utter, lui, peint de la Corse ses ponts de pierre rouge, ses
calvaires, ses paysages les plus âpres, les plus sombres, où des
bleus sourds voisinent avec des rouges éteints, sous des ciels
d'acier. Et lui, Utrillo, pendant ce temps, il reste dans ses nuages.
Devant un paysage, il pensait à autre chose. Il peint un presbytère au pied du
Monte Cinto; le mont était garni de soldats Français qu'il effacera
par la suite". A Belgodère, il participe avec l'architecte Dufour à la peinture des plafonds
du château des Malaspina et peint de nombreux paysages Corses :
Le couvent de Piedicroce dont le tableau se trouve au musée de
l'Annonciade à Saint-Tropez, une rue de Corte, (le cours Paoli),
l'église San-Michele de Murato dont il a exécuté au moins 3 peintures,
le presbytère de Prunelli di Fiumorbo.
En 1925, Maurice Utrillo participe à l'exposition des peintres Corses à Paris.
En 1929, le gouvernement Français le décore de la croix de la Légion d'honneur.
En 1935, âgé de 51 ans, il épouse Lucie Valore malgré l'opposition de sa mère.
Il meurt le 5 novembre 1955 à l'hôtel Splendid de Dax où il était en cure avec sa femme.
Il est enterré au cimetière Saint-Vincent de Montmartre à Paris face au Lapin Agile.
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