Georges Benjamin Clemenceau, deuxième d'une
famille de six enfants, est né le 28 septembre
1841, à Mouilleron-en-Pareds, dans le Bocage vendéen, non loin de Fontenay-le-Comte.
Il fait des études au Lycée, puis à l'école de
Médecine de Nantes, où habitait la famille, rue Crébillon.
En 1860,
recommandé par son père à Etienne Arago, il part pour Paris, où son
existence de quartier latin est à la fois studieuse et libre. En même
temps qu'il continue ses études de médecine, il commence à jouer son
rôle d'opposition à l'Empire, avec une partie de la jeunesse des
écoles. Il contracte là des amitiés qu'il gardera toute sa vie et il
connaît nombre de jeunes personnalités comme Émile Zola. Il collabore
aux petits journaux philosophiques et littéraires qu'il fonde avec
ses amis. Il est en rapport avec Blanqui, libéré après l'amnistie de 1859,
mais remis en prison sur le moindre
prétexte. Blanqui restera une des admirations de sa vie. Comme lui,
Georges Clemenceau connaît la prison; il subit une condamnation de
deux mois qu'il fait à Mazas à partir du 23 février 1862. Il est de
nouveau arrêté au soir de la première
représentation à l'Odéon d'Edmond About. Au milieu
de cette agitation, il suit son chemin, achève ses études et est
reçu docteur en médecine en 1865. La même année, il quitte Paris
pour Londres puis pour l'Amérique où il devient professeur de
Français pour pouvoir prolonger son séjour. Il retournera une
deuxième fois en Amérique pour se marier le 20 juin 1869 avec
Mary
Plummer
qui lui donnera trois enfants.
En 1870, il est à Paris, médecin, à
Montmartre, lorsque la guerre est déclarée à l'Allemagne.
Il a 29 ans lorsque la République est
proclamée. Etienne Arago le fait nommer maire de Montmartre.
Aux élections du 8 février 1871, Clemenceau est nommé député de Paris. Le 29 novembre 1875, il est élu président du conseil municipal
de Paris.
Homme d’État, homme de lettres et amoureux des arts,
Clemenceau forme ses convictions républicaines dans l’opposition à Napoléon
III. En 1876, médecin devenu député, il se bat pour l’amnistie des
Communards. Au Parlement comme dans la presse, il lutte pour
l’égalité, la liberté, la laïcité, contre l’intolérance et le
colonialisme. Il inscrit la question sociale au cœur de son action.
Rejeté de la Chambre en 1893, il soutient ardemment, à partir de
1897, la cause de Dreyfus innocent. Il se bat pour l’abolition de la
peine de mort. Passionné par le théâtre, il défend la culture
populaire. Écrivain et collectionneur, il se passionne pour l’art
asiatique.
En 1891, Clemenceau apprend que sa femme à un
amant. Il la fait suivre et fait constater le délit d'adultère alors que lui-même
aime conquérir les femmes en nombre, menant ses affaires de coeur
avec discrétion. Il exige que la loi soit appliquée et Mary est
jetée en prison. A sa sortie, il demande le divorce, obtient
la garde de ses enfants et la fait expulsée de France comme
étrangère condamnée pour délit de droit commun. La nationalité
Française lui est retirée. Revenue en France vers 1900 Mary Plummer
s'installe dans un petit appartement parisien situé au 208 rue de
la Convention. Elle meurt dans une solitude terrible le 13 septembre
1922. Dans une lettre datée du 27 septembre 1922, Clemenceau l'annonce cruellement
à son frère : "Ton ex-belle-sœur a fini de
souffrir. Aucun de ses enfants n'était là. Un rideau à tirer ".
Chef de gouvernement de 1906 à 1909, il est un ministre de
l’Intérieur rigoureux et un réformateur obstiné. En 1914, sénateur,
il fustige, sur le front et par sa plume, les impérities des
responsables civils et militaires, puis, président du Conseil et
ministre de la Guerre à partir de novembre 1917, il conduit la
nation à la victoire. Avec les alliés de la France, il négocie le
traité de Versailles. Le 19 février 1919, à 8h40,
Clemenceau se rend en voiture au ministère de la Guerre. A l'angle
de la rue Franklin et du boulevard Delessert, un jeune anarchiste,
Émile Cottin, surgit et fait feu à sept reprises sur sa voiture,
touchant le président du Conseil à l'omoplate droite.
A 79 ans, retiré des affaires, Clemenceau écrit son testament
politique, promeut l’œuvre de Claude Monet et voyage beaucoup.
Le 31 août 1921, le navire Le Liamone qui a appareillé de
Marseille, la veille à 16 heures, accoste dans le port d'Ajaccio au
petit matin vers 05 heures. A son bord se trouve un vieil homme que
tout le monde surnomme "le père de la victoire".
Malgré l'heure matinale, une foule enthousiaste se presse au bas de
la passerelle.
Georges Clemenceau, qui s'est éloigné de la
politique, vient en Corse pour la première
fois répondant à l'invitation de son grand ami Nicolas Pietri. Les
deux hommes se sont connus en 1917. Le président du Conseil
confie à Nicolas Pietri, la charge de diriger son journal L'homme
libre. Dès la première rencontre de Nicolas Pietri avec
Georges Clemenceau naît une longue amitié qui durera jusqu'à la mort
de ce dernier en 1929. Clemenceau fera de son ami son exécuteur
testamentaire.
Nicolas Piétri est venu accueillir son ami en compagnie des
autorités locales et il va lui servir de guide tout au long de son séjour dans l'île.
Après avoir serré quelques mains, il se rend à l'hôtel de France où
l'attend un copieux petit déjeuner avant de commencer sa visite par
le Casone puis de poursuivre par le Salario pour admirer le panorama
de la cité. Il visite ensuite les îles sanguinaires et la maison des Bonaparte avant de se
rendre à l'hôtel de ville pour y découvrir le musée napoléonien.
Il est près de midi lorsqu'il quitte
Ajaccio pour Olivese, village de l'épouse de Nicolas Pietri où ce
dernier vient d'en être élu maire. Il y passe la nuit et le lendemain matin, il entame une longue
tournée en automobile qui va d'abord le conduire le premier septembre, à
Sartène, Bonifacio, Porto-Vecchio et retour à Olivese; le trois
septembre, à Vizzavona et Corte, les quatre, cinq et six septembre, à
Belgodere où il passe deux nuits, Calvi, Île-Rousse, Saint-Florent, le
cap corse ; le sept, il est à Bastia puis à Corte. Partout où il passe, la population lui
fait un accueil triomphale. A Sartène, ville natale de Nicolas Pietri, c'est une pluie de fleurs et de riz; le soir à l'hôtel de
ville, le ténor César Vezzani chante "La Marseillaise" et poursuit
avec plusieurs chansons de son répertoire.
Le XIXe
siècle a été marqué par une intégration superficielle à la France.
L’île, berceau des Bonaparte, demeurait suspecte aux yeux des
royalistes et plus encore des républicains. Un fort mouvement
d’opinion, emmené notamment par le leader de la gauche radicale
Georges Clemenceau au début de la IIIe
République, réclamait ouvertement la restitution à titre gratuit de
la Corse à la jeune Italie.
Dans le discours qu'il prononce à Sartène, Clemenceau, va évoquer
cette erreur de jeunesse qui lui fit prononcer ces mots malheureux du
trois mars 1871 :"Que la Corse cesse immédiatement et irrévocablement de faire
partie de la République française". Il dira : "... Je me figurais malaisé et difficilement réalisable
la fusion de votre caractère avec celui du peuple français. Eh bien,
je me trompais! Et cette révélation pour moi à quelque chose
d'inattendu et de profondément révélateur dont je suis, je ne vous
le cache pas, enthousiasmé [...], je découvre en vous des
Français , de purs Français de belle et rare qualité...".
Au col de Vizzavona, ce ne sont pas des bandits qui lui barrent la
route, mais des jeunes filles venues lui offrir des bouquets de fleurs.
Au cours de son séjour, le Père la Victoire, reçu partout comme un simple
citoyen, va découvrir une île exsangue et profondément endeuillé par
la guerre de 1914-1918 mais aussi une Corse pittoresque et
rurale : " On n'est nulle part assailli par des mendiants. On croise sur les routes des
gens affairés en chars à bancs à deux roues, en voitures chargées de
raisin, de tonneaux, de foin, de meubles, ou qui sont montés à
cheval, à dos de mulet ou d'âne. »
"Le tigre" s'accorde ensuite deux jours de repos
à Olivese avant de reprendre le bateau le 10 en compagnie de Nicolas Pietri.
Après avoir mené pendant
deux jours une rude bataille contre une crise d'urémie, le père de la
victoire s'éteint à 88 ans dans son domicile de la rue Benjamin
Franklin à Paris qu'il habitait depuis 34 ans : Pressentant sa mort,
il avait souhaité la plus strict intimité : "Pour mes obsèques,
je ne veux que le strict minimum, c'est-à-dire moi".
Clemenceau a été inhumé dans sa Vendée natale au cimetière de
Mouchamps
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