Figure de l'Empire Romain, philosophe,
dramaturge et homme politiques, Sénèque, parfois appelé Sénèque Le Jeune, pour le distinguer de
Sénèque le Vieux, son père, naît entre l'an 4 et
l'an 1 avant J.-C. dans le sud de l'Espagne, d'une famille en
provenance d'Italie du Nord qui part ensuite s'installer à Rome.
Atteint d'une grave maladie pendant son adolescence, il passe un
certain temps en Égypte afin d'y être soigné. De retour à Rome en
31, il intègre l'ordre de la
magistrature romaine. Homme d'État, il sert principalement en tant
que conseiller à la cour impériale de Caligula.
A côté de l'Empereur Claude régnait alors une
femme nommée Messaline, dont les débauches étaient devenues trop
notoires. Cette femme, jalouse de Julia Livilla, soeur de Caligula
(connue pour son opposition à la politique de l'Empire) l'accusa d'avoir des relations avec Sénèque et
sous les ordres de l'empereur Claude, fit éloigner
le philosophe de la cour en l'exilant dans l'île de Corse vers l'an 41.
Habitué aux débauches et aux intrigues de la cour, Sénèque endurera
son exil pendant 8 ans sans pouvoir se faire à la triste existence à
laquelle il était condamné. En l'an 49, il sera finalement rappelé à
Rome par Agrippine, la nouvelle épouse de l'Empereur Claude, qui le chargera de l'éducation de son fils Néron
dont il deviendra plus tard l'un des plus proches conseillés.
En 55, Sénèque devient
magistrat principal; il est alors l'une des plus grandes fortunes de
l'Empire romain.
Sénèque tombe finalement
en disgrâce en 62, et se retire de la vie politique, ses relations avec Néron
devenant de plus en plus tendues. Ce dernier tente en vain de le
faire empoisonner. L'année suivante, Sénèque est impliqué dans
un complot pour tuer Néron. L'empereur condamne alors Sénèque à
mort par suicide, et celui-ci s'exécute en
s'ouvrant les veines en avril 65.
C'est au cours de sa relégation forcée en
Corse que Sénèque écrit son
traité de Consolatione, adressé à Polybe et
à sa mère Helvia où nous lisons, au chapitre huitième, le
passage suivant : "La Corse même a souvent changé de colons.
Laissant les temps anciens enveloppés de leurs ténèbres, je dirai
seulement que les Grecs qui aujourd'hui habitent Massilia
(Marseille), après avoir quitté la Phocide, s'arrêtèrent d'abord
dans cette île: on ignore ce qui les en éloigna; ce fut peut-être
l'insalubrité de l'air, ou bien le voisinage de la trop puissante
Italie, peut-être aussi la vue des côtes, absolument dépourvues de
ports. La preuve que ce ne fut point la férocité des habitants,
c'est que d'ici ils se rendirent chez les peuples extrêmement
grossiers et barbares de la Gaule. Les Liguriens parurent ensuite
dans l'île puis vinrent des Espagnols, ce que l'on peut inférer de
la ressemblance des moeurs: on trouve, en effet, dans ce pays, les
mêmes coiffures, les mêmes chaussures et souvent les mêmes mots que
chez les Cantabres; mais l'ensemble de la langue a perdu son
caractère primitif par le contact des insulaires avec les Grecs et
les Liguriens".
Si pour lui les premiers temps de
l'histoire de la Corse étaient déjà si obscurs, combien plus ne
doivent-ils pas l'être pour nous !
Il écrit aussi : "Va loin de ces bords,
dont le site » enchanteur et commode invite la foule; viens sur ces
rives désolées, dans ces îles sauvages, Sciathos et Sériphe, Gyare
et la Corse: tu ne verras aucune terre d'exil où quelqu'un ne
demeure pour son plaisir. Où trouver un lieu plus désolé, plus
inaccessible de toutes parts que ce rocher? plus dépourvu de
ressources, habité par des hordes plus barbares, hérissé d'aspérités
plus menaçantes et sous un ciel plus funeste? Et cependant on y
rencontre plus d'étrangers que de citoyens".
Les exagérations de Sénèque concernant une île
assez inculte, dont les forêts vierges constituaient à peu près
l'unique richesse sont évidentes, et s'expliquent d'ailleurs par sa
pénible situation.
Une légende locale sans fondement veut que
Sénèque ait vécu son exil dans une tour isolée sur les hauteurs du
village de Luri dans le Cap Corse; mais il est plus vraisemblable
qu'il ait séjourné à Mariana ou à
Alalia (Aleria qui fut capitale de
la province Romaine de Corse-Sardaigne de 27 av. JC jusqu'à l'an 6
après JC), un lieu qu'il décrit d'abord ainsi : "Le
sort m'a jeté dans un pays où la demeure la plus spacieuse est une
cabane... que trouverait-on d'aussi nu, d'aussi totalement abrupt
que le rocher où je suis ? Quoi de plus affreux comme site ?, quoi
de plus dépouillé ?, quoi de plus escarpé que ce rocher de la Corse
?, quoi de plus stérile pour un ami de l'abondance ? Où trouver des
hommes plus sauvages, un site plus affreux, un climat plus malsain
?. Les arbres à fruits ou agréables à la vue sont rares sur cette
terre; elle ne produit rien que les autres peuples puissent envier,
et suffit à peine aux besoins de ses habitants. Là, point de carrière de minéral précieux, point
de rochers à veines d'or et d'argent...
La barbare Corse est fermée de toutes
parts par des rocs escarpés. Terre horrible, où l'on ne voit partout
que de vastes déserts. L'automne n'y donne point de fruits, ni l’été
de moissons, et la saison des frimas ne vient jamais lui offrir les
dons de Pallas. Le printemps n'y réjouit point les regards par ses
ombrages, aucune herbe ne croit sur ce sol maudit. Là, point de pain
pour soutenir sa vie, point d'eau pour étancher sa soif, point de
bûcher pour honorer ses funérailles : on n'y trouve que ces deux
choses : l'exilé et son exil...
Puis ainsi, après son retour à Rome : "... J'étais plus heureux
dans ma retraite solitaire où la mer de Corse m'entourait de
ses flots... avec quel ravissement je contemplais le ciel, chef-d'oeuvre de la nature... et le cours harmonieux des
astres, et le lever et le coucher du soleil... et le
brillant éclat de la voûte céleste." (!)
On dit que Sénèque, dont les mœurs laissaient
beaucoup à désirer, ayant attenté à la pudeur des femmes corse, fut
pris, mis à nu et fustigé avec des orties par les habitants. Il se
vengea de cet affront en composant ce distique sur la sauvagerie des
mœurs insulaires : "Prima est ulcisci lex, altera vivere raptu,
Tertia mentiri, quarta negare Deos" qui signifie : "Se venger est la première loi des
corses, la seconde, vivre de rapines, la troisième, mentir, la
quatrième, nier les dieux".
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